mercredi 25 juillet 2012

de bon ton

Hiver 2012.

Au mois de Mars, j'écrivais "♪ je vois la vie en rouille ♪ ♫ ♪♪ ♫♫" ( lire ).
mais ce jour-là, je n'ai pas tout dit.
 
Bienvenue dans ma trousse à outils

Dans la vie, face à des outils rouillés; on peut 1- râler ou 2- improviser.

Option n°2. J'ai eu une idée. 

J'ai pris ce qu'il reste du Bloc marine éprouvé par l'hiver, 

tout trempé et tout salé
 un pinceau,


et j'ai improvisé.

outils marinés involontairement dans l'eau de mer

 Peinture à la rouille, aquarelle système d, adaptée aux moyens du bord.


Agréable surprise! La rouille est une bonne aquarelle! Et puis selon la qualité du métal des outils, la teinte de rouille varie et permet, d'un outil à l'autre, d'obtenir différentes nuances orangées.


Peindre des bateaux à l'eau de mer et à la rouille, 
je trouve cela de bon ton, 
à bord de Tara Tari.

et voilà comment, au lieu de râler, je me suis amusée.

à bientôt!
Capucine


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--- Ré écoutez - si vous le voulez - les dernières nouvelles de Where is TaraTari? dans Allo La Planète, sur Le Mouv' > à partir de la minute 33'25 pour les gens pressés!
Where is Tara Tari ? dans Allo La Planète - émission du 16 juillet 2012

mardi 17 juillet 2012

ce n'est pas le moment!

En France. juillet 2012.

 Sympa! mon frère m'a envoyé une photo. Quel air joyeux! En même temps, j'avoue: j'aime bien rigoler!
au départ de Barcelone, par mon frère Jérôme
Et pourtant, quand j'y pense, l'hiver n'a pas été toujours très rigolo!
Quand je dis ça, je ne pense pas aux tempêtes, au froid et tout ce côté un peu pénible de la chose car finalement, c'était prévisible et même prévu tout ça: je le savais avant de partir, que le vent soufflerait et qu'en hiver il fait froid. Non, c'est autre chose. Malgré le côté assez pas très ordianaire de mon mode de vie, en fait, mon quotidien a (presque) été comme celui de tout le monde. Avec des petits "hic" qui n'ont absolument rien eu de très spectaculaire et j'ai souvent râlé en me disant "non mais là, vraiment, ce n'est pas le moment!"...

*
Ah non mais là ce n'était pas le moment... 
Lors de ma première tempête, au Sud de Barcelone.... début décembre: tout a valsé dans le bateau, c'est le premier gros coup de vent que je vis à bord et c'était du grand n'importe quoi: des vagues qui claquent la coque du bateau, le bateau qui fonce malgré la surface réduite des voiles ou encore le gilet de sauvetage qui se gonfle tout seul à l'intérieur du bateau, le pilote automatique qui me lâche et bref: à 5h du matin après déjà une soirée et une nuit à gérer la crise, je décide de faire demi-tour. Ça, je l'avais raconté ICI, mais ce que je n'ai pas écrit c'est que dès le début de la soirée, j'ai eu envie de faire pipi - des choses qui arrivent. Mais là pour de vrai, ce n'était pas le moment! quand tout va bien, déjà, c'est une aventure: enlever le harnais, le ciré (veste smoke et salopette) trempé, le tout pliée en deux ou trois et se caler sur le seau. Alors dans ces conditions de nav' avec le bateau en furie, plein d'eau et complètement penché: c'était juste une énôorme galère! Vers 4h du matin, tant pis, j'ai amarré la barre comme j'ai pu et je me suis dépatouillée comme j'ai pu. j'ai réussi la manœuvre et pour moi, cette nuit-là, il était là, le véritable exploit!

4h du matin dans la salle de bain, à la recherche du seau bleu
*
Ah non mais là ce n'était pas le moment... de voir un pêcheur!
Autre nuit. c'était en Février. Il est 3h du matin et je me suis endormie quand soudain j'ouvre un oeil et bondis: une lumière rouge, là juste à côté de moi! Panique à bord!!! Un feu rouge, côté bâbord d'un pêcheur certainement, je suis furieuse: je m'en veux de m'être assoupie et de ne pas avoir vu avant ce bateau! Il est tout prêt!!!! Quelle nouille je suis! Mon coeur bat hyper vite.


Une ou deux secondes peut-être et je réalise que je ne suis pas sur le bateau. Mais où suis-je? Et qu'est ce que c'est que cette lumière rouge?! si ce n'est pas un feu de nav bâbord?! je fronce les sourcils et allume ma lampe de poche toujours à portée de main. je vois un mur... un interrupteur... j'allume.... Oulala. Je comprends tout. je respire profondément, et me pose sur le canapé, les jambes toujours dans mon sac de couchage. Là, bien qu'un peu soulagée, je me suis dit "ça ne va pas, moi! 'faut que je me détende un peu, là!" je cache mon visage dans mes mains. En fait, je suis dans le salon d'une famille qui m'héberge une nuit à cause des températures glaciales. Et dans ce petit salon, il n'y a pas de bateau mais une petite télé, et sur cette petite télé, il y a une petite veilleuse... de couleur rouge. Ok. On respire. Tout va bien.


*
Ah non mais là ce n'était pas le moment... de croire au rêve américain.
En parlant de télé. Mi-Mars. Au bout de la 4ème tentative de passage du Cap de Gata dans du vent fort, j'ai le moral un peu au fond des bottes. Et si je regardais un film, ça m'aiderait peut-être à ne penser à rien. Dans une rue proche du port, une petite boutique chinoise vend quelques dvd d'arts martiaux à 3 euros, je farfouille et trouve dans le tas, un film américain avec Georges Clooney: "The Perfect Storm". Bon ok, le titre n'est pas idéal-idéal étant donnée ma situation, mais bon, c'est le seul que j'ai trouvé. Je me dis que c'est un film américain et que tous les films américains racontent des histoires improbables mais qui se finissent toujours bien. Le soir, il fait froid et humide et je suis dans le bateau, ficelée dans mon sac de couchage, je regarde le film. C'est l'histoire d'un équipage d'un bateau de pêche qui part en mer et se retrouve pris dans une tempête. Le film se termine. Je referme mon ordi. "Mais quelle idée?!". Je me mets en boule, super cafardeuse. Film tragique: à la fin, le bateau coule et l'équipage meurt noyé. Parfait. super. Le seul film américain où tout se passe super mal. Et en plus, c'est une histoire vraie. Non clairement, ce n'était clairement pas le moment de le regarder, ce film. J'ai mal dormi.

*
Ah non mais là ce n'était pas le moment...
En tête de mât, il y a un feu tricolore de navigation. Un câble descend dans le mât et est relié au petit tableau électrique. Pour ne pas risquer d'arracher le câble qui passe au plafond, j'ai utilisé du gros scotch gris super costaud. Le bateau est si petit que ce serait facile de l'arracher en passant du lit au salon. Le truc c'est qu'avec l'humidité, le scotch se décolle un peu. Mais le scotch est un fourbe: et même décollé, il colle encore. Et c'est un détail que j'oublie facilement.. et aïe-euh! je me fais avoir TOUT le temps. une vraie tête de linotte (déplumée) je suis!

TaraTari Coiffure:  coupe offerte dès la première visite!
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Ah non mais là ce n'était pas le moment... de prendre une amande.
J'adore les fruits secs! C'est bon et super bien pour la santé! Comme tout est vite trempé dans le bateau à cause de l'humidité, j'ai pris mes précautions et bien emballé noisettes, figues et amandes que je savoure comme de vrais bonbons! Manger des amandes, dans mon petit quotidien, c'est pour fêter une belle manoeuvre, un chouette moment sur l'eau, un beau nuage. Un vrai petit plaisir! Mais... parfois (et trop souvent) ce n'est pas le moment d'avoir envie d'une amande... L'humidité a eu faim avant moi: les amandes sont moisies. déception. moment pourri.

:(
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Ah non mais là ce n'était pas le moment... pour les moustiques non plus.
En fait, ces histoires de ce n'était pas le moment ont commencé avant même de partir en mer. Par exemple, lors du chantier, à Lorient en septembre, après avoir démonté, sablé et grattouillé les supports des dérives, j'ai posé la peinture anti-rouille en fin de journée. Le lendemain matin, alors que je pensais peindre vite fait bien fait tout ça en orange, et bien surprise: des dizaines de moustiques collés dans l'antirouille! Pffff. "Bah alors, les moustiques, c'est quoi ce travail?!" Je ne suis pas fan des moustiques, mais là pour de vrai je ne leur voulais pas de mal! Et en plus c'est hyper galère d'enlever des moustiques morts collés dans la peinture anti-rouille pas encore tout à fait sèche. J'ai essayé d'en enlever quelques uns mais j'ai fini par peindre le tout en orange mosquitos compris. Donc voilà. Un des secret dévoilé: en s'approchant bien des supports de dérives, on peut remarquer quelques formes étranges: celles des moustiques fossilisés dans la peinture! - pas fait exprès, promis. L'antirouille, c'est un peu l'école de la vie des moustiques. Comme le diraient mes cheveux face à un bout de scotch gris: "qui s'y colle, y reste collé". Amis mosquitos, prenez en de la graine.

Découverte : l'antirouille est un antimoustique efficace
*
Ah non mais là ce n'était pas le moment... d'être myope.
Autre gros coup de vent. Enfin, non, c'était le même, en décembre, en rentrant vers Barcelone. Toujours à la barre car le pilote automatique est fatigué. Il fait jour et heureusement parce que là, clairement, ça aurait été encore plus compliqué dans l'obscurité! En fait, je suis fatiguée et je me frotte un oeil. Pas de bol: ma lentille de contact tombe! Patatras! . Je suis emmitouflée dans mes cirés trempés et plein de sel. Assise, une main sur la barre, l'autre en train de chercher désespérément - et d'un oeil du coup - le petit bout de plastoque souple et transparent sur le pont plein de cordages. Genre, j'avais besoin de ça. J'ai fini ma nav avec un oeil. Ambiance pirate. On n'a pas la vie facile parfois. S'est-elle fait avaler par une vague? A-t-elle refait, depuis, sa vie avec un monsieur méduse? On ne saura jamais: je n'ai jamais retrouvé cette lentille de contact. ni reçu de nouvelle. Perdue de vue, comme on dit.

: /
*
Il y en a eu mille ou plus encore, des "ah non mais là ce n'est pas le moment!"
Pas de quoi rire, sérieux.

Et pourtant, quand j'y repense, en fait, si: l'hiver a été assez rigolo!
Pas une minute d'ennui.
Quelle vie! mes amis, quelle vie!

à bientôt!
Capucine


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--- Hier soir, j'étais à l'antenne d'Allo La Planète, sur Le Mouv' pour répondre aux questions d'Eric Lange. Chouette moment de radio à écouter ici, à partir de la minute 33'25 pour les gens pressés!
Where is Tara Tari ? dans Allo La Planète - émission du 16 juillet 2012

vendredi 13 juillet 2012

auprès de mon arbre

fin juin 2012. Lanzarote, dans les airs et puis à terre, en France.

Après déjà 7 mois de vie à bord de TaraTari, j'imaginais que faire mon sac pour rentrer en France allait être une aventure, mais à force d'épurer mes affaires, j'ai réussi à tout fait tenir dans mon fidèle petit sac étanche rouge Guy Cotten. De Lanzarote, je peux prendre un avion low cost pour rentrer vers l'Espagne: Raynair ne va plus en France mais le vol vers l'Espagne ne coûte que 40 euros. Nickel. Phase 1: Achat en ligne. Il faut se méfier car avant de voler, on peut facilement se faire voler: sur le site, je remplis les cases et je coche "bagage à main" pour éviter de payer un bagage mis en soute mais au moment de valider le choix pour payer, je vois que je suis sur le point d'acheter une valise! - ça commence bien ce retour. Phase 2: Enregistrement à l'aéroport: un beau blond tout bronzé - la plupart des surfeurs de l'île travaille à l'aéroport - me confirme que mon sac passe en bagage à main; 8kg. Parfait. Il fait 30°C et on me regarde bizarrement: j'ai mes bottes de mer aux pieds - elles prenaient trop de place dans le sac. Phase 3: Contrôle de sécurité: "Les passagers sont priés de sortir tous les appareils électroniques, ordinateurs et toute sorte d'appareil". Pfff. La flemme. "vous êtes sûrs?". Visiblement, ils en sont sûrs. Ok, vous l'aurez voulu: je sors de mon sac: téléphone, ordinateur, un petit appareil photo, une petite caméra gopro, deux GPS, un téléphone Irridium, une balise de détresse, un sextant, un compas de relèvement, des jumelles... Trois gars de la sécu se sont rapprochés, et les autres passagers en coups de soleil, tongs et colliers de fleurs font trois pas en arrière avec des yeux écarquillés de peur. On me demande d'enlever mes bottes et on m'interroge en pointant mon équipement: "c'est quoi tout ça?!". Phase 4: Tétris. Une looooongue file. ça dure trois plombes parce que nous devons tous faire le test de jauge du bagage à main. J'ai ré-emballé tout le matériel dans mon sac un peu précipitamment. Du coup, le sac est plus gros et dépasse la taille réglementaire. Il m'aura fallu 7 minutes pour réorganiser l'agencement intérieur pour que ça passe. Pfiou, c'était pas gagné et ça m'aurait coûté des sous. Phase 5. Embarquement. Dans le tube qui relie la salle d'embarquement à l'avion, nous sommes tous entassés. Je me sens claustrophobe. Trop de monde, pas assez d'air. Quand soudain, surprise, un beau brun avec son gilet jaune fluo de technicien de l''aéroport traverse tout le tube et me serre dans ses bras, s'exclame de joie. Son collègue l'interroge et il répond: "C'est la fille du petit voilier! Tu sais, la fille qu'on a vu à la télé! C'est elle, je te jure!!!" Et là, je reconnais ce surfeur Argentin qui était venu me voir au port: il avait en effet vu des reportages télé qui annonçaient mon arrivée sur l'archipel, et là, il n'en revient pas! Me voir, arrivée et en vrai "No me lo puedo creer!". Du coup, après le coup du contrôle de sécu, je me re-tape l'affiche, on me dévisage et je ne suis pas à l'aise. Dans l'avion, c'est open place alors je me mets sur babord, prêt d'un hublot, pour pouvoir regarder l'Ouest, une fois dans les airs. Phase 6: L'avion décolle. La petite fille assise à côté de moi, me serre la main et celle de sa maman. "ça fait un peu peur" me dit-elle timidement. L'avion est dans le ciel, et je regarde la petite fille qui est super fière d'avoir surmonté sa peur. Elle est toute mignonne. C'est bien, elle m'a aussi aidé à oublier que je m'éloigne de TaraTari. J'avais le ventre noué. Il l'est toujours. Un regard vers l'île qui devient de plus en plus petite. "Salut Tara Tari, à bientôt mon beau! Je reviens vite".

C'est curieux. En mer, j'aime regarder en haut vers le ciel, et là, dans le ciel, je me tords le cou pour regarder en bas vers la mer. L'océan est superbe, immense. Tout comme l'est le ciel vu d'en bas. Là, au large de l'Afrique, au-dessus de l'eau, je me dis que les étoiles ont aussi une jolie vue. Une vue qui me fait penser à une autre vue. Les crêtes blanches des vagues qui déferlent sur le bleu ressemblent à des petits points, elles ressemblent étrangement aux étoiles blanches qui brillent dans le noir. Et je me demande: Les étoiles font-elles aussi un vœu en voyant un vague filante? Quel vœu pourrait bien faire une étoile?

ça déferle vraiment tout en bas, c'est fou. et quand je pense que TaraTari était là, là-dessus, là-dedans, là dans l'océan, ça m'impressionne un peu. Tout est question de point de vue finalement. Du bord de mon vaillant TaraTari, si bas sur l'eau, l'horizon ne semble jamais bien loin et cela impressionne moins, je trouve. C'est bien de se donner de petits objectifs pour atteindre un but, de fragmenter. Ceux qui ont inventé les escaliers ont bien mis plusieurs marches dans leur trouvaille: pourtant le but ultime était d'arriver en haut (ou en bas selon le point de départ). Du coup, cette vue ne m'impressionne plus trop et je souris, toute seule la tête dans le hublot. je réalise que cette première partie à bord, de Kerpape aux Canaries a été une réussite. héhé. c'est chouette mais ce n'est pas fini. je suis sur un palier.

Atteindre son objectif: plan d'attaque.

Flash back au survol. Je repasse dans ma tête tous plein de petits moments vécus au même endroit mais sur l'eau, ces derniers mois. C'était tellement bien.
Tiens, un cargo! Pareil, il est moins impressionnant vu d'ici! En revanche, je me dis qu'en mer nous avons eu des cargos à vue de manière continue, et quand je vois le décor d'ici, pourtant, il n'y en a pas tant que ça des cargos! On a juste eu la même idée, de passer au même endroit au même moment. Enfin presque. Et je me demande: quelle est la probabilité de collision entre un cargo et un tout petit voilier en plein milieu de l'océan? Pas énorme, non? ça doit être comme pour ceux qui jouent au loto. Et puis je me dis aussi que si je suis un jour en situation un peu délicate, je serai bien heureuse d'être secourue par un de ces gros cargos, souvent les premiers à venir à la rescousse. Alors: zéro rancœur contre les cargos. Là, de tout là-haut je me dis qu'ils sont en fait des anges juste un peu effrayants quand on les voit de trop près. Mais pas si méchants, en fait.

Et puis soudain, par le hublot. je vois la terre. Deux terres, même: l'Afrique et l'Europe. Nous survolons la pointe Nord Ouest du Maroc et le ciel est si dégagé que la vue se perd sur l'autre continent, au loin vers l'Espagne. Dans mon hublot: le Cap Spartel et le Cap de Tarafalgar: je prends une photo toute pourrie, mais c'est plus fort que moi. Il fait grand beau sur le détroit de Gibraltar et cette vue est dingue. Aussi dingue que la traversée faite par la mer avec TaraTari. Maxime aurait certainement préféré cette traversée par les airs bien plus confortable! Dans mes pensées, je revis le fol épisode.

Traversée du détroit de Gibraltar par les airs. Vue de mon hublot.

Par leur absence, les nuages me font un chouette cadeau: la visibilité est parfaite! Et le pilote de l'avion: fait-il exprès de suivre exactement la route prise par Tara Tari? Nous longeons désormais la côte de l'Espagne. Tant de visages et de grands moments. Tarifa.. je salue le phare, Sam, sa voilerie et les kitesurfs. La baie d'Algeciras: la cardinale Est que j'avais passée à 1h du matin, au moment où la lune se levait et qui marquait l'entrée dans le détroit... Algeciras: la baie, la venue de Corentin... La Linea: Esteban, Ana, le varadero, le chantier, Ernest et les pulpitos... Gibraltar: le caillou, Ludovic, les cartes nautiques... Malaga: la nav' avec François et Julien, avec le spi d'Henri-Paul Schipman... Le cap de Gata: mes 6 tentatives de passage.. Garrucha: Lynne et les Anglais, Jose Luis et le bar du port... Aguilas: le mystère du mini taratari... le Cap de Palos: le plancton lumineux, la tempête de 17h.... Alicante: Agathe et son canap', Gonzalo, le café de la Volvo Ocean Race, Yannick, le froid et les citrons aussi.. Valence: la marina dans la tempête, Eddy mon premier poisson, Gaspar et sa famille, les cargos qui m'ont fichu la trouille... L'Ampolla: L'olivier, Joséphine, le Delta de l'Ebre, la famille Montero, les rois mages et l'accueil magique des pêcheurs... Noël en mer.. Vilanova: Auriol et Laia, Amadeu, le fromage et le cava... Barcelona: mon frère Jérôme, la naissance de ma petite nièce, ma première tempête, mon premier demi-tour, Nicolas l'Argentin, sa venue surprise en zod et son superbe court métrage sur TaraTari et moi, les discussions avec Anna... Quel voyage! Bribes de souvenirs!
Cela pourrait me rendre nostalgique, mais non, cela me donne juste encore plus envie de poursuivre la route, vivre d'autres instants improbables.

Un des grands moments, la tête dans les citrons des montagnes d'Alicante

L'avion se pose. juste au dessus de l'entrée de port. Mon frère m'attend, on se serre dans les bras. Et je poursuis ma route en bus. 24h de trajet. C'était le plus économique. Il pleut. Mais je suis heureuse de voir de grandes étendues vertes et de belles vaches dans les prairies. C'est beau une vache! Il n'y a pas beaucoup de verdure à Lanzarote, ça me plaît bien de voir les arbres. L'autocar s'arrête et je retrouve mes parents.

Ils me demandent: " Le voyage s'est bien passé ? Pas trop fatiguée? " Mes parents parlent des 3 jours  Iles Canaries - France, en partie en autocar. Plus tard des voisins me demandent : "Alors, ce voyage? Pas trop fatiguée? " Ils parlent des 7 mois  France - Les Canaries. Des amis bretons m'ont demandé: "Bien rentrée?": ils parlaient de mon retour en Bretagne. Le même jour, des amis de Lanzarote m'ont écrit: "Tu rentres quand?" : ils parlaient de mon prochain retour aux Canaries. Je m'y perds.

Suis-je en aller ou en retour? je ne rentre pas vraiment en France, puisque je me prépare à rentrer aux îles Canaries. C'est certainement le lot des nomades. Etre d'ici et d'ailleurs. Compliqué à expliquer pourtant c'est assez simple dans ma tête: Ma maison, en ce moment, est à bord de Tara Tari. Voilier petit panier en jute, et moi je suis un petit fruit voyageur, petit fruit d'un arbre qui pousse à terre, arbre de famille et d'amis. Alors comme tous les fruits rêveurs, je voyage sur mon petit panier, sans oublier d'où je viens, sans oublier l'arbre fruitier. C'est important. Un ami au corps immobile m'a dit "Merci de m'avoir fait voyager". ça m'a fait plaisir de l'aider à s'évader. A bord de mon petit panier, nous étions nombreux à voguer. Et nous allons continuer, n'est-ce-pas?

Le voyage s'est bien passé dans un sens puis dans l'autre, sur la mer, dans les airs, sur la terre, dans mes pensées et dans quelques souvenirs. Je suis là mais souvent en voyage. Décor ou pensée: tout file, tout défile.


Souvent le risque des pauses, c'est de ne plus vouloir poursuivre. C'est décevant mais cela arrive. Même si je suis très heureuse de revoir famille et amis, je sais que serai heureuse de continuer mon beau voyage. Pour être honnête, j'ai même hâte.

Quatre jours après mon arrivée en Bretagne, j'étais au mariage de mon ami Thomas. Un exemple parmi d'autres. Ici ou ailleurs, tout me rapporte à mes convictions. Jamais de nostalgie, mais bien des petits signes, des petits bidules qui attisent mon envie de poursuivre encore et encore! Même lors d'un mariage. La preuve en citron:

et moi qui leur ai offert un pommier; un vrai mariage fruitier!

Je n'avais pas 7 ans quand nous avons quitté la France, alors forcément, quand on est le fruit d'un arbre voyageur, le voyage devient assez naturellement un lieu de vie. Le fruit a besoin d'eau et de soleil pour s'épanouir sur l'arbre. le fruit aura le goût et le sang de son arbre, mais il ne restera jamais toute sa vie accroché à une branche. Certains fruits feront de nouveaux arbres. Mais souvent un fruit, on le cueille ou il tombe seul: le fruit voyage ou pourrit. moi, j'ai choisi le voyage!

Capucine


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ps: Certains le savent, je suis aussi revenue auprès de mon arbre parce que je devais aller à l'hôpital. Et c'est fait. Merci à ceux qui m'ont envoyé de si gentils messages et cherché à prendre de mes nouvelles. Le combat continue contre les douleurs mais la bonne nouvelle, c'est que je ne me suis pas "abîmée" lors de ces 7 mois en mer. je m'accroche en attendant que les chercheurs trouvent un remède et ça va, je gère. Avec les médecins nous allons tenter de remplacer la morphine par d'autres procédés plus naturels: la nature étant pleine de ressources, nous allons bien trouver. Encore merci pour vos petits mails! Tout va bien, alors pas d'inquiétudes, ok? ;o)
à bientôt!