Aujourd'hui, 6 décembre 2011, je vais donc ré-ré-ré-ré-essayer de démarrer le petit moteur. Je dois avoir une notice quelque part. La voilà.
Comprendre Djian Dong, Part One |
Djian Dong est un des héros de "L'aventure de Tara Tari"(ed. La Découvrance) écrit par Corentin. Personnage chinois, capricieux, plusieurs fois mort et ressuscité, souvent malade et/ou en grève...Djian Dong est aussi un moteur un peu misogyne. Lors de notre navigation de Lorient à Concarneau, avec Corentin, mes différentes tentatives de démarrage étaient toutes restées vaines. Je n'ai eu le droit qu'à un petit toussotement de rien du tout quand Corentin réussissait lui, du premier coup, à le faire rugir. Un chouillat frustrant après des heures de tentatives. Mais que voulez-vous. Djian Dong n'est pas un moteur facile. Il ne se laisse pas démarrer pas comme ça, par n'importe qui, n'importe quand. "Laissons-nous un peu de temps, Djian Dong" lui avais-je alors proposé, arrangeante.
Sur le papier, comme ça, ça semble simple. Mais en fait pas du tout. Il faut commencer par trouver la bonne position car Djian Dong vit planqué sous le plancher de la descente et l'espace intérieur est comment dire, assez intimiste. Ensuite, il faut s'emballer la main droite pour les droitiers dans un chiffon, et vraiment bien ficeler l'ensemble. Gare à l'imprudent qui laisserait à nu un petit morceau de peau, une phalange ou pis encore, un pouce entier. Avec la main bien emballée dans le tissu, il faut tenir la manivelle. L'autre main doit se glisser sur le côté gauche de l'engin, et avec le pouce, il faut pousser le décompresseur. Le décompresseur censé faciliter le démarrage et permettant de franchir plus facilement la compression. Tu parles, d'une facilité. L'auteur de cette brillante déclaration, a-t-il essayé ne serait-ce qu'une fois de démarrer Djian Dong?!
Et pendant que tu te fais mal au pouce gauche à pousser le petit truc du décompresseur, il faut tourner la manivelle avec la main droite. Mais elle est mobile, la manivelle. C'est à dire qu'il faut appuyer en même temps que tu tournes. Il arrive que, et alors que la bonne position et l'énergie pour lancer les tours de manivelle sont enfin trouvées, et bien le petit chiffon se déballe. Opération ratée. Il faut tout recommencer. Ne surtout pas croire que la manoeuvre est possible sans le chiffon autour de la main. Non, non, non. Corentin a insisté et il a eu raison. Une seule tentative sans chiffon.. et j'ai compris, je ne ferai plus l'impasse.
Quelques tours de manivelle demandent déjà un bon état d'esprit, de l'énergie et du temps libre. Il faut tourner, tourner, tourner, tourner, tourner encore, pas moins d'une bonne dizaine de fois, mais avec un peu de malchance - fréquente à cette étape - la manivelle ripe. D'où le truc du chiffon héhé. De manière assez systématique, le haut de la main vient s'éclater contre le dessous du plancher. Au bout de 5 ripages de manivelle, même sans se faire mal, une pause est obligatoire. Il faut alors souffler un peu, ne pas trop râler et recommencer avec tout autant d'énergie. C'est aussi à ce moment là, que l'on enlève un pull.
Quelques nouveaux tours de manivelle plus tard, vient le moment fatidique où il faut lâcher le petit bidule métallique qui s'est déjà à moitié incrusté dans le pouce gauche, et continuer à tourner la manivelle avec la main droite, toujours minutieusement emballée. C'est en effet là que tout se complique. Car le décompresseur ne décompresse plus. Normal, puisqu'il faut que la compression soit rétablie dès que le point dur a été franchi, sous peine de ne pas pouvoir démarrer. Sous peine de - tu parles. Au tribunal des moteurs, j'ai dû prendre la peine maximum: le moteur ne démarre ja-mais. Combat à armes inégales. Bras de fer perdu à tous les coups contre Djian Dong.
"Hé, Djian Dong, tu dis comment "faut se détendre" en chinois?!"
Pas de réponse.
pff. je bloque toujours au même moment. Au moment où je retire mon deuxième pull et commence à souffler comme un bison fuyant Buffalo Bill. "J'en ai plein le bras, moi!" - je sors prendre l'air sur le pont. Une pause s'impose.
A quoi ressemble Djian Dong? Hier encore, j'aurais dit à une murène. Sale bête.
Retour à l'intérieur du bateau. Par discrétion, je vais me cacher derrière la bouilloire pour le photographier. Les photos, ce n'est pas trop son truc, à Djian Dong. Il préfère les schémas. Dans ses affaires, pas un album de famille mais des collections entières de notices, avec des schémas sur toutes les pages.
c'est lui, là.. le planqué, sous le plancher. |
Une murène. Gros poisson qui ne bouge jamais de son trou et qui fait le méchant pour un rien. Djian Dong, une murène. Pas très flatteur Mais bon. Il l'a cherché.
Comprendre Djian Dong ; Part Two |
Murène :
- Biotope: fonds rocheux, crevasses, anfractuosités.
- Description: corps anguilliforme, robuste et légèrement comprimé latéralement, surtout dans sa partie postérieure. La tête est courte, massive, à profil bombé. Les dents sont longues et pointues. Les nageoires pectorales et ventrales sont absentes. La peau, dépourvue d'écailles, est lisse et épaisse.
- Alimentation: Poissons, poulpes. Sa morsure n’est pas venimeuse mais n’en est pas moins douloureuse. Une morsure de murène peut s'infecter sérieusement car leurs dents sont garnies de bactéries et de germes.
- Comportement : Agressive, elle peut mordre si elle se sent menacée. Animal isolé et territorial.
Djian Dong :
- Biotope : Planqué sous le plancher de la descente.
- Despcription: corps djiandongiforme, robuste et légèrement oxydé, surtout dans sa partie inférieure. La tête est plate et massive, de couleur métallique. Manivelle mobile qui provoque des égratignures fréquentes sur les mains. Les nageoires pectorales et ventrales sont absentes. La peau, dépourvue d'écailles, est lisse et épaisse.
- Alimentation: Gazole, diesel. Ses écorchures ne sont pas venimeuses mais n’en sont pas moins douloureuses. Une égratignure de Djian Dong peut s'infecter sérieusement car les zones d'impact contiennent généralement un peu de rouille et autres substances mystérieuses.
- Comportement : Agressif, il peut mordre s'il se sent menacé. Moteur isolé et territorial.
- Djian Dong - |
Tentative vaine. Suivante.
- "Tentative numéro Quarante trois mille six cents vingt deux! approchez"
La bonne.
Il faut dire que j'ai remplacé le petit tuyau d'arrivée d'eau de refroidissement. Ce n'est pas que l'ancien était moche, mais c'est que je l'ai perdu en mer, dans le Golfe du Lion. Un beau tuyau tout beau tout neuf, acheté à Barcelone, c'était Noël avant l'heure pour Djian Dong. ET ce n'est pas tout. Un peu de diesel tout frais tout neuf "Gran Reserva".
Tout s'est passé très vite. J'ai inspiré profondément. j'étais concentré sur l'objectif. j'ai lâché le petit bitonio à gauche et j'ai tourné fort fort fort la manivelle avec ma main bien emballée dans un tissu pourtant plein de rouille, quand soudain un petit pop pop pop m'a donné de l'espoir. Son petit pot a crachouillé puis craché plus franchement. J'ai tout de suite compris que c'était bon.
Emue, j'ai regardé Djian Dong : "Est-ce vrai? As-tu accepté, pour de vrai, de démarrer avec moi ?"
Et Djian Dong, imperturbable, m'a répondu " 我想是的 "
C'était le 6 décembre 2011, à Barcelone.
Et je fais la promesse de ne plus jamais traiter Djian Dong de murène.
Capucine
Excellent !! … quel style … et le moteur à démarré !!
RépondreSupprimerEt oui, ne jamais traiter son moteur de murène... ou de n'importe quel autre animal d'ailleurs. Mais il a démarré !!!! Pourtant c'est vrai les ressemblances sont frappantes mais ne lui dit pas, il pourrait se vexer et refuser une nouvelle fois de démarrer
RépondreSupprimerTon moteur c'est ton meilleur copain, alors respecte le !
RépondreSupprimerN'empêche que des copains comme ça c'est pas facile à gérer...