jeudi 22 mars 2012

L'orage

Deuxième nuit en mer depuis le départ de Garrucha.

- "flop" dit la grand voile
Nous sommes collés, le long des falaises. Aussi collés sur l'eau que mes vêtements le sont sur moi. Il fait nuit et une brume épaisse et humide s'écrase lourdement sur nous. Le vent est nul - dans tous les sens du terme. La brume est si épaisse que je ne vois presque plus le phare de la pointe de la Media Naranja.
- "flop flop" répète la grand voile

Il pleut. Je suis trempée, j'ai froid et je râle parce que nous n'avançons pas d'une méduse.
Évidement le pilote automatique raymarine non plus n'aime pas la pluie et le vent faible.
- "bip bip bip bip" râle-t-il pour annoncer qu'il ne bosse plus.
- "flop flop" se plaint la grand-voile qui se sent inutile.

Le pilote NKE soigneusement rangé pour le garder tout frais tout neuf pour la traverser de l'Atlantique, je débranche raymarine, et prends à la barre. De toute façon je suis déjà trempée, et je n'ai beaucoup d'options alors je me dis "ce n'est que de l'eau et a le mérite d'être allégée en sel ".

- "Flooooop flop" insiste la grand voile.
- "C'est bon, j'ai compris la GV! moi non plus je ne me sens pas très utile, alors prends sur toi!"
- "flop" me dit l'insolente.

Insolente, car dans ce dernier "flop", la GV a dépassé les bornes en me faisant une farce.
Alors que la pluie s'est calmée, je me reprends une averse. C'est exactement la même sensation, quand, à terre, après une averse, on marche sous un arbre dont les branches sont encore pleines d'eau. Un souffle de vent, juste au moment où vous passer sous l'arbre. Les branches bougent un peu. Juste un peu. Juste ce qu'il faut pour que l'eau des branches vous tombe sur la tête! Et voilà, vous êtes trempés. Et bien c'est pareil. La gv a secoué ses branches et hop. Je me suis pris toute l'eau sur la figure!
Mais... même pas mal, j'étais déjà trempée.

La pluie revient, plus forte qu'avant. J'entends le tonnerre, et je vois les éclairs en lumière diffuse dans les nuages un peu plus au Sud Est. C'est impressionnant. Le tonnerre raisonne, tout autour de nous. Nous sommes cernés par les éclairs. Il ne manquerait plus que l'on se prenne la foudre!

Accroupie, la main sur la barre, trempée jusqu'aux os, je lève la tête vers le haut du mât, regarde les éclairs, tout autour et réfléchis. Je repense avec affection à mes années de louvettes, à Bruxelles, pendant lesquelles nous mettions des pommes de terre sur le haut de nos tentes, pour nous protéger de la foudre. Mais je n'ai pas de pomme de terre à bord. Je peux éventuellement essayer de monter en haut du mât pour y 'installer' de la purée de pommes de terre en poudre, mais j'ai un doute sur l'efficacité du procédé. Sous la pluie, ce souvenir d'enfance me fait sourire.
Pour ne pas m'endormir à la barre, je chante à voix haute.

Après plusieurs heures de spectacle, le ciel prend enfin la couleur de l'aube.
La délivrance.
Le vent est un peu revenu et je tente d'aller chercher un peu de pression en bordure des nuages, ça fonctionne et je rebranche le pilote qui, après une nuit de repos, est ok pour fonctionner lui aussi.
Je ne suis plus qu'à quelques milles du Cap de Gata. Le bonheur malgré la bruine.



Et le nouveau jeu de la matinée a des airs de problèmes mathématiques. Voici l'énoncé.
Sachant que la terre tourne autour du soleil, que le vent tourne sans logique, que les grains se déplacent, que la houle nous pousse vers l'Ouest, que nous voulons aller vers le Sud et que le temps passe à une vitesse supérieure à notre avancée: Où Tara Tari doit-il se placer pour voir le soleil se lever ?

un grain mouvant
hop, hop. Quelques manoeuvres plus tard, nous rendons notre copie.
hum, hum. Quelques minutes, Jupiter, Neptune et Elole vont dévoiler leur verdict.
hé, hé. Soleil dévoilé! Nous avons eu bon :)


Le vent tourne et nous aussi,
Et nous avons vu le soleil.


C'était super beau.

La question que l'on se pose alors, ne doit pas être "que faire, en cas d'orage, pour voir le soleil ?" Mais plutôt "quelle chanson chanter en cas d'orage, pour enfin voir le soleil ?"
Chanter l'orage heureux. Voilà notre méthode.

"L'orage" de Georges Brassens. Une histoire amusante qui m'a permis de tenir toute la nuit. Si vous avez trois minutes, ça vaut le coup d'écouter les paroles.



-"flop, flop" acquiesce la grand voile.
Le vent est retombé.
A 3 milles du Cap de Gata.

Capucine

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