lundi 7 mai 2012

élue réparation de l'année 2012

La Linea. fin avril 2012. suite du chantier de Gibraltar au varadero de la Marina Alcaidesa.

 
J'avais été un peu vite en écrivant  ici "nous rangeons les outils". Si DjianDong s'est refait une petite santé, il y a toujours ce problème d'incontinence aiguë et salée, qui fait souffrir ce brave Tara Tari - et mes petits bras, aussi.

Au rythme de 300 litres d'eau vidés en 5h, 24h/24, ces derniers mois, la situation s'est aggravée depuis le Golfe du Lion où écoper avec la super pompe fabriquée par Guillaume et Anaïs à Marseille était encore gérable. Mais depuis Valence, c'est par seaux de 10 litres que je peine à suivre le rythme du débit de la fuite mystère. Ok, j'ai gagné en muscu, mais j'ai aussi perdu pas mal d'énergie dans la bataille hivernale. je ne me suis jamais attardée trop sur le sujet de peur d'inquiéter ma chère maman, mais en vrai, la situation était assez pénible. Au-delà du confort, traîner des centaines de litres d'eau dans ses fonds, c'est très mauvais pour le bateau et il est évident que je ne peux pas continuer comme ça dans l'open space Atlantique.

Séance muscu dans Golfe du Lion - novembre 2011
10 jours après la sortie de l'eau de Tara Tari, je continuais à écoper l'eau qui se vidait des caissons étanches. Autant dire que ce petit détail n'a pas manqué de faire sourire mes amis du varadero qui me demandaient un peu inquiets "T'es sure que c'est normal?"

Le "petit problème" n'est pas nouveau: Corentin déjà, écopait des litres d'eau par heure. A priori cela semblait venir du tube d'étambot alors il y a six mois à Lorient, nous avions tenté une réparation dont nous étions super fiers, mais avec l'hiver, notre fierté a vite été se r'habiller. Le phénomène s'est aggravé au fil de mes mois en mer. Nous avons mené l'enquête et c'est pendant ce chantier de Gibraltar que nous pensons avoir plus ou moins réussi à clore l'humide dossier.

Enquête et réparation: retour sur ce qui aura été un vrai petit polar :

Etape n°1: Déposition des témoins.
 Témoin n°1 : Tara Tari
- "Bonjour Tara Tari. Dites nous tout: Vous êtes vendeur de rêve, pas porteur d'eau. Qui est responsable de tout ce trafic d'eau de mer, cachée dans vos caissons? Nous voulons un nom."
- "..."
- "Garder le silence ne vous aidera pas. Nous pourrions vous accuser de complicité: si vous acceptez de nous aider nous vous remettrons à l'eau dans les plus brefs délais. "
- "..."
Devant ce silence du pote qui ne veut pas balancer, nous avons fait le petit tour que font toujours les policiers dans les films, sur la scène de crime.
- "Inspecteur! là! Regardez!"
L'inspecteur Coco arrive. Sourcils froncés, il touche la surface brillante:
- "Voici qui est intéressant: de l'eau! Nous tenons un indice."

Témoin n°2: DjianDong
- "Bonjour DjianDong. Prenez place. Il paraît que vous étiez souffrant; désolés de vous déranger pendant votre convalescence, mais nous soupçonnons le tube d'étambot et nous pensons que vous avez pu être témoin de quelque chose..."
- " 我会说什么 "
L'inspecteur Coco me lance un regard qui veut dire "t'as compris?" auquel je réponds par un autre regard qui veut dire "absolument pas". Et alors que l'inspecteur Coco allait reprendre son interrogatoire, le témoin, tout pâle, fait un bruit étrange...


L'Inspecteur Coco garde son air sévère et constate alors:
- "Je crois que le témoin DjianDong a vomi".
De l'huile partout dans la salle d'interrogatoire!
- "On ne vous l'avait jamais faite, celle-là, Inspecteur!" je me pince les lèvres pour ne pas rigoler.
- "Détrompez vous, ce n'est pas la première fois que j'interroge l'insolent. Il me fait le coup à chaque fois! Inutile d'aller plus loin, il ne dira rien de plus."
(Aparté personnel: toujours d'une grande aide, celui-là).

Etape n°2 : Passer à l'action
Nous partons en ville acheter un tube en plastique long de 4 mètres du diamètre du tube d'étambot.  

Etape n°3: Attraper le coupable.
Nous retirons délicatement le safran, l'arbre d'hélice et aussi le super petit palier de ligne de l'arbre d'hélice en caoutchouc, que nous avions customisé il y a quelques mois avec de la chambre à air de camion et du sikaflex. Petit palier de ligne que nous regardons trois secondes avec un brin de perplexité: "il était pourtant bien notre bidule." La zone est claire et nous allons pouvoir tenter de piéger le responsable qui ne se doute pas encore de notre plan. Parce que ça y est, nous avons un plan.


L'Inspecteur Coco surveille ses arrières, c'est bon, la voie est libre. Les mains pliées en pistolet, il m'indique qu'il va monter sur le ber. Au pied de l'échelle, armée de la même manière, je le couvre dans son ascension. Pendant que l'Inspecteur ouvre la petite fenêtre témoin du caisson étanche, je remplis un bidon d'eau de 20 litres et lui donne. Pour les besoins de l'enquête nous allons remplir le bateau d'eau (je sais, après tous ces litres écopés... ) histoire d'être sûrs et certains de nos premiers résultats. A l'extérieur du bateau, j'enfonce une pinoche en bois dans le tube métallique, et en donnant quelques coups de marteau, j'oublie un instant mon rôle policier et m'adresse à Tara Tari:  "Mon pauvre Tara Tari! je suis désolée, ça ne doit pas être bien agréable cette pinoche..... désolée, vieux!".

De l'intérieur, l'Inspecteur Coco me dit qu'il commence à verser l'eau et puis il me demande un truc qui, écouté d'ici, était du genre " eschhuhusotkpmoalojh?" que je ne comprends pas trop mais auquel je réponds par un "oui oui" presque convaincu. J'imagine que la question était "c'est étanche, c'est bon?". Mais non ce n'est pas super étanche et j'emballe le tout dans du gros scotch gris qui sert souvent à tout sur le bateau. Un vrai petit bouchon étanche.


Nous en profitons pour vérifier qu'aucune autre gouttelette d'eau ne vienne perler comme ailleurs sur la coque du bateau. Tout va bien, aucune autre larme repérée. Retrait de la pinoche, pas si fastoche. Pauvre Tara Tari, il a dû serrer les fesses et maintenant la pinoche est bloquée! Chacun à notre tour essayons de lui retirer le bout de bois: avec une pince, avec un ciseau à bois, avec le tire bouchon du couteau suisse et même avec du Forlax. Il y a urgence, avec l'eau située de l'autre côté, le bois gonfle et plus nous attendons plus l'opération sera encore plus compliquée. Sincèrement désolés pour notre petit TaraTari, nous nous amusons malgré tout dans la manip' et finissons par réussir à lui retirer son petit bouchon. 

Nous poursuivons l'inspection quand soudain: le coupable! Nous découvrons que l'eau ne vient pas du tube d'étambot mais de son contour, entre le tube et la coque. Tout s'explique! Avec les vibrations dues à la navigation, la coque en fibre (et donc souple) bouge alors que le tube en métal (et donc dur) ne bouge pas. L'eau futée comme un renard en profite pour se glisser dans le minuscule petit jeu: peu de place, mais en se serrant les gouttes, hop, elle arrive à se glisser dans le bateau! Le petit jeu, le voilà notre coupable!

Ciseau à bois et marteau pour un déstratage complet du tube. Casser cette fibre est aussi agréable que de casser un mur d'une maison quand on sait que l'on aura plus de lumière ensuite. Là, nous savons que si nous réparons bien, il n'y aura plus d'infiltration d'eau! - ô joie! ô espoir!

Etape n°4: La peine:
Quelques points de soudure, de la strat', du caoutchouc et des menottes! Grâce à Paco, qui travaille au varadero, nous soudons des pièces métalliques dans la hauteur et créons un relief sur le tube pour que la fibre et la résine accrochent bien.


Il faut que le jute et l'écologie se bouchent les oreilles pour ce que je vais dire lors des deux prochaines lignes: nous stratons avec de la résine epoxy car elle tient mieux dans l'eau et avec de la fibre de verre bien posée.


Le lendemain, après une nuit de garde à vue et quand tout était bien sec, nous avons mis un morceau de tuyau en caoutchouc assez épais autour du tube afin qu'il absorbe les vibrations des prochaines navigations. Tube fixé avec deux bracelets métalliques très serrés. Le coupable menotté est désormais inoffensif! Nous nous félicitons pour cette enquête bien menée et enfin terminée et remettons en place notre super petit palier de ligne d'arbre d'hélice qui en fait tenait bien, l'arbre d'hélice et le safran.

Quant au tube de 4mètres? Il n'aura finalement servi à rien d'autres qu'à notre humour, à base de très sérieux "Tu veux un tuyau?" - lire bonne astuce- ou encore de très sérieux " Je crois qu'on tient le tube de l'été" - lire bon morceau de musique.

Après plusieurs jours de test en mer, je peux l'affirmer: la mission a été une réussite: plus de trafic d'eau salée dans les fonds de Tara Tari qui a enfin les fesses au sec!

 -la réparation du siècle des 6 derniers mois -
Alors je me dis que pour les réparations, ça devrait être comme pour le fromage,

on voit bien qu'ils ne connaissent pas la mimolette dans ce pays...
il devrait il y avoir un titre de "réparation de l'année " décerné.
la nôtre aurait été élue.

Départ mercredi pour 700 milles nautiques de test en pleine mer, avec deux tubes de 2 mètres en plastique. Leur future utilité? quelle question: 2 mètres de bonnes astuces et 2 mètres de bonnes musiques, ça sert toujours dans la vie. 
Capucine


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