Mercredi 2 novembre. Tara Tari est partout. Devant tous les marchands de journaux, dans les rues et dans les supermarchés, Tara Tari est à l'affiche et fait même de l'ombre à la dette de la Grèce. Aujourd'hui, Tara Tari est en Der du Télégramme - En dernière page de l'édition 'nationale' de Bretagne. Rien que ça.
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Un rêve à l'affiche. le 2 novembre 2011 |
Nous achetons le journal, et roulons vers le bateau. Corentin me prive d'une lecture à voix haute pour ne lire que certains mots "importants" : "gros gilet... dure à cuire... série noire... mal de chien... fauteuil électrique.. Capucine traîne le pas... économies englouties... corps mal en point... joue de la meuleuse, ongles noircis par la bricole... Je continue ?!" rit Corentin, de bon coeur. "Sexy, ton portrait!" rit-il encore. Et en plus j'ai 30 ans aujourd'hui, beau tableau. Nous rions comme des enfants. Arrivés au bateau, je lis l'article, en entier. (
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Bien qu'il m'arrive d'écrire dans Le Télégramme, je ne connaissais par Régis, le journaliste qui a signé le papier. Il m'avait posé pas mal de questions. J'imaginais qu'il parlerait plus du bateau et de l'esprit qui le fait naviguer, mais il y a surtout beaucoup de petites informations sur moi, sur mon parcours. Des petites choses dont je ne parle pas. Enfin quand je dis "petites choses", c'est affectueux. L'école au Burkina Faso, le Chili et la cordillère des Andes... cela n'a rien de petit. C'était justement si grand, si important pour moi, que j'ai, pour ces deux grandes étapes de ma vie, toujours eu un peu de mal à parler, à partager. Il y a un an, nous avions parlé de cela avec Corentin, de l'importance de partager ce genre d'expérience de vie, finalement peu commune. J'ai un manuscrit, prêt, sur la construction de l'école de Bonro. Jusqu'à maintenant je ne me sentais pas prête à le publier. C'était trop personnel. Mais partager est important, je dois m'ouvrir, parler. Tout ce que l'on fait en dehors des sentiers pratiqués peut apporter des éléments de réponses à d'autres. Les parents d'un ado en quête d'un départ du genre, au courant de l'école de Bonro, m'ont un jour demandé pourquoi j'étais partie et comment ils devaient réagir. J'ai essayé de parler de tout cela. Laisser partir un ado dans une aventure un peu folle ce n'est pas simple. Comprendre ce choix de "partir faire quelque chose" et comprendre aussi ce que cela aura comme conséquences ensuite, c'est ce que j'ai essayé d'expliquer par le récit de 15 ans d'histoire de vie avec un village de brousse, des enfants et leur école. Je suis désormais prête à en parler, et c'est ce que j'ai commencé à faire avec ce journaliste, autour d'un bon petit café sur le port.
Cet article a été lu, j'ai reçu de nombreuses marques d'affection et de soutien pour la partie "santé", beaucoup d'encouragements pour la partie "elle est folle de se lancer là-dedans" et puis il y a eu la réaction de certains amis, étonnés peut-être un peu désolés pour certains de découvrir dans un journal ces étapes importantes de ma vie. "Tu ne nous avais pas dit pour le Burkina". Ce n'était pas par cachoterie, mais peut-être plus par pudeur. On m'a souvent dit 'tu dois être fière d'avoir fait ça', mais non, rien à voir. La seule fierté serait peut-être d'être aller jusqu'au bout, d'avoir tenu ma parole. Je me suis lancée jeune dans un truc énorme, sans en avoir vraiment conscience, mais cela m'a permis d'essayer, et d'arriver jusqu'au bout. L'école fonctionne, j'y retourne quand je peux, car l'histoire ne s'arrête pas à l'ouverture de l'école, mais se construit tous les jours. ça ne se range pas dans un tiroir, ça reste, ça vit et il faut en prendre soin tous les jours. J'ai reçu là-bas et reçois encore bien plus que je n'ai donné. C'est un des principe du partage. Ils ont tous été très présents quand j'étais à kerpape. Si loin, si proches.
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à l'école de la vie, à 17 ans. |
Grâce à Tara Tari, j'ai accepté de m'ouvrir et d'en parler. L'école a été évoquée dans ce papier du Télégramme et tout ce qu'elle représente pour moi va m'accompagner dans mon périple. Cette petite école de vie à Bonro, village de brousse situé à 700km de la capitale Ouagadougou, et proche de la frontière du Mali. J'avais 15 ans quand j'ai monté le projet et 17 ans quand je suis partie pour commencer le chantier. Partie avec 5 amis un peu plus âgés que moi la première année, je me suis retrouvée seule pour aller au bout de cet immense chantier. Il aura fallu 4 ans pour y arriver, mais l'école a ouvert ses portes et des enfants de plusieurs villages y sont scolarisés depuis maintenant bientôt 10 ans.
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pioche à la main. début du chantier en 1999 |
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Les volets sont fermés, mais l'école à ouvert ses portes en 2002 |
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Il n'y a pas d'Ikea proche du village. pas très grave. |
Je n'avais pas dit, c'est vrai. Mais promis, je vais essayer de "dire" un peu plus, désormais.
Merci au Télégramme de m'avoir aidé à évoquer ce parcours qui m'a mené aujourd'hui à bord de Tara Tari. A ce sujet... la bricole m'attend à bord, le départ approche, j'y retourne.
Capucine
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