jeudi 29 mars 2012

Itinéraire bis

20 mars 2012.

Elle est peut-être là, la solution. Dans le wd 40?! Le marchand m'avait dit "dès que ça coince, un peu de wd 40 et hop, plus de problème!". J'avais alors noté qu'il avait ajouté une petite phrase, pour conclure sa redoutable argumentation: "ça marche pour tout". J'étais alors tout à fait convaincue.
Quelques mois plus tard, je tente donc cette nouvelle option; mets tous mes espoirs dans ces deux lettres et ce chiffre 40.


Bon. Bah, visiblement, ça ne marche pas pour tout. J'ai eu beau faire "pschit" plusieurs fois sur le Cap de Gata. Rien ne bouge. Nous sommes toujours coincés et contraints à faire demi-tour. Déception.
Encore une.
Questions- réponses.

Quel est le problème ?
A l'approche du cap, le vent se renforce et la mer se soulève. Tout cela très fort et à chaque fois, nous avons eu le vent de face et les vagues contre nous. Depuis La Ciotat, j'ai fait face à des coups de vent très rudes et violents, mais là c'est la lutte depuis le Cap de Palos. Et ce fichu cap de Gata, j'ai essayé de le passer, mais je n'ai pas réussi. Toutes ces tentatives sont éprouvantes. Physiquement mais aussi moralement. Moralement, car j'imagine toujours que les fichiers météo disent vrai et je me réjouis parfois de voir un vent annoncé favorable.. la réalité sur le terrain, différente, ne surprend plus mais déçoit. un peu à chaque fois. Sans moteur, quand il n'y a pas de vent, nous stagnons, et quand le vent souffle c'est systématiquement très fort et nous progressons sous foc seul, au près ou au portant et parfois sous foc arrisé. Les vagues, le noeud de courant au niveau du cap nous poussent vers le Nord Est. Rentrer au port, une fois, deux fois... six fois, c'est dur. Et puis physiquement, je ne dors pas beaucoup voire pas du tout, je mets toute mon énergie à vider à coups de seaux, toute l'eau qui entre, et mes jambes me font mal. C'est dur pour moi, toute seule.

Naviguer en solitaire, c'est bien, mais cela ne signifie pas ne pas avoir besoin des autres, et j'ai donc essayé de me faire aider pour passer ce fichu cap. Mais ici, les gens ne naviguent pas. Aucun voilier à l'horizon. Enfin si, j'en ai vu passer un, au moteur devant San Jose. Je l'ai contacté par VHF, il m'a ignoré, j'ai insisté, il a fini par répondre et par venir. Un immense voilier de luxe. Pavillon îles Caïmans. Ils sont désormais tout près:
- "Bonjour Messieurs, pourriez-vous m'aider en me remorquant 10 minutes jusqu'au petit port de San Jose? Il n'y a pas de vent, je ne peux pas avancer sans moteur et je sais qu'une tempête arrive." En voyant le bateau arriver j'ai même préparé un petit sac avec un fromage que l'on m'a offert, pour les remercier. J'étais certaine qu'ils m'aideraient.
Un gros plein de soupe, cigare au bec et le ventre rempli de whisky, me répond en me coupant la parole :
- "Tu as de l'eau et de la nourriture?"
-"oui"
- "alors nous allons continuer notre route, nous avons un cocktail à 19h à Carthagène..."
Et les gentlemen sont partis.
Et j'ai rangé le fromage
et ma naïveté.

J'ai appelé le port de San Jose, leur expliquant mon problème, leur demandant un peu d'aide. Mais ils m'ont dit sèchement "si tu es en danger, tu appelles les sauveteurs en mer".
"Ok, ça ira, ne les dérangeons pas, je vais me débrouiller". merci pour votre compréhension.
Le port de Carboneras (commerce et pêche): personne ne répond.
Sans moteur trop dangereux de m'aventurer vers l'entrée. Le retour à Garrucha est la solution la plus raisonnable, et avec Tara Tari, usés pas ce cap et par notre déception, nous tentons de faire au mieux.
 
Par gros temps, même les bateaux de pêche rentrent se mettre à l'abri, ici, ou ne sortent pas. Pas une coque qui flotte. Au ponton d'attente à Garrucha, je surveille les voiliers qui viendraient faire le plein d'essence. Trois ou quatre gros catamarans Lagoon, flambant neufs sont passés. J'ai essayé de parler avec eux, pour qu'ils m'aident à passer le cap. Mais les équipages anglais emmènent au moteur les gros cata vers la Croatie et la Grèce. Impossible de nous aider. Et tous me confirment que les vagues et le vent étaient "redoutables", là-bas. Quant aux gens du coin, ils m'encouragent tous avec des "tu n'y arriveras jamais! laisse tomber!" ou encore "une femme doit être à la maison, et tu ferais bien de rentrer chez toi". Et ils ne plaisantent pas.

Un matin, nous avons encore tenté. Le vent n'était pas du tout ce qui était annoncé, et une succession de petites choses commencent à grignotter mon moral déjà bien entamé quand je découvre le message d'un ami qui m'annonce que les conditions vont être bien plus sportives que prévues même si annoncées au portant.. N'ayant pas Internet au port et comme je suis partie avant le lever du jour, je n'ai pas vu les derniers fichiers. Son message est la goutte d'eau en trop. J'éclate en sanglots.
"J'en ai marre, j'aimerais tellement que nous réussissions à quitter cet endroit, TaraTari"

Alors après 5 semaines de vent fort et de mer agitée, je commence à craquer, il faut que je fasse quelque chose. Syndrome de la stagnation portuaire. Au téléphone, mes parents me disent qu'il faut que je m'accorde deux jours sans regarder la direction du vent et que j'aille dormir au chaud pour me changer les idées deux minutes. C'est vrai que je n'ai pas cessé de regarder le vent et l'état de la mer et tous les jours, toutes les heures et à tout instant, c'est le même constat: un constat rongeur de moral. J'ai pris mon baluchon et je suis allée au seul petit hotel du village. 1 étoile, le vieil homme en pantoufles, cigarette au bec s'étonne de me voir là et me regarde de travers en me montrant une chambre : "tu es qui? qu'est ce que tu fais là? donne moi ton passeport". Il a fini par être gentil, mais, cela n'a pas été très chaleureux.

Les solutions.
Pour tout ça et pour tout le reste, pour de vrai, il est vraiment temps de partir.
J'ai besoin que les choses bougent et se décoincent: il faut que cela avance. Or les choses ne bougent pas toutes seules. Il faut prendre les choses en main. Je ne veux plus user ma santé et mon énergie ici. J'ai le sentiment de stagner. Alors je pris une décision : mettre un pschit de wd40 sur le cap de Gata. ça n'a rien changé. Ensuite, j'ai pris une autre décision: sortir Tara Tari de l'eau. Cela n'a pas été simple, mais grâce à l'aide de la direction du port et de Jose Luis en charge des manutentions, Tara Tari sort de l'eau. Inspection de la coque, et bricolage, je suis super heureuse car les choses bougent

Et puis j'essaie de parler avec le port, avec les capitaines des cargos : pourquoi ne pas charger Tara Tari sur un cargo pour atteindre Gibraltar? Les cargos passent un à un ici, faire le plein de gypse (comme du plâtre), principale activité du port et unique raison du passage des cargos. Mais ces cargos-là font le plein et s'en vont aux quatre coins du monde.. sans s'arrêter. Et puis il y a les papiers, les accords des armateurs etc. L'option cargo, n'en est plus une. Je vais trouver autre chose.

C'est génial de réfléchir aux solutions, aux alternatives.
Je pars vers le port de pêche, parle avec les pêcheurs qui m'expliquent qu'ils doivent être rentrés à 17h pour la criée, bref, c'est trop compliqué. L'option remorquage par un pêcheur n'en est plus une. Je vais trouver autre chose.

Contourner le cap par la route. Après tout, pourquoi pas. Je m'en veux de penser à cette option car je voulais tout faire à la voile. Mais si je voulais tout faire à la voile, je voulais aussi et surtout, tout faire en "sécurité". J'essaie de me souvenir: quand il n'y avait pas de vent ou quand la situation était critique, Corentin utilisait le moteur ou se faisait remorquer. Ici aucune de ces deux options n'est possible. Alors finalement, passer par la route, c'est utiliser un moteur... et des roulettes. Je ne sais ni comment ni quand cela sera possible, mais cela me semble une bonne option et j'ai donc décidé de continuer mon aventure stagnante en contournant le cap de Gata par la route. Tant pis pour le "j'aurais tout fait à la voile", j'opte pour le "j'aurais tout fait pour être toujours le plus en sécurité".

J'ai pris une décision, et depuis je me sens beaucoup mieux. Quel que soit le choix, bon ou mauvais, prendre une décision fait du bien, fait avancer les choses. Je mets désormais tout en oeuvre pour rendre cette option possible, sans beaucoup de moyens. Des regrets de ne pas passer le Cap de Gata à bord de Tara Tari, je n'en n'aurai pas: j'ai essayé, je n'ai pas réussi, et j'ai vu à quel point cela pouvait devenir dangereux. Tara Tari est un petit voilier qui ne va pas vite mais qui tient bon; nous avons fait ce que nous avons pu, et tout n'est pas de sa faute: j'ai mes limites physiques, mes articulations si douloureuses, l'eau que je dois vider par centaines de litres, la nav à bord de ce petit voilier que j'aime mais qui est dure, la fatigue. Enfin voilà, je n'ai pas envie de faire d'idioties, mais j'ai besoin d'avancer. Alors je retiens l'option route pour pouvoir poursuivre.

Il y a mille choses à raconter sur ce que je vis ici. Trop nombreuses pour être racontées comme il le faut ici, mais l'une des choses importantes que je retiens, est que prendre une décision fait du bien, soulage.
L'aventure continue. Autrement au niveau du cap de Gata, mais cela me va tout à fait.

Etre entêtée c'est bien, mais il ne faut pas être trop têtue. Savoir accepter que les choses ne se passent pas comme prévues, accepter ses limites et trouver la parade... c'est un peu l'histoire de la vie, ça. Alors moi, Visage Rouillé demande à Bison Futé, la possibilité d'emprunter l'Itinéraire bis. Celle de l'alternative sage.

Capucine

lundi 26 mars 2012

aspiration

En mer. toujours au même endroit.

Parfois quand on marche, on se sent suivi.
En navigant, parfois, c'est pareil.
Et là, avec TaraTari, nous sentons bien que nous sommes suivis.
Instant d'inquiétude, je me retourne.
En effet: nous sommes suivis.



Des petits poissons.
Ils sont là, juste derrière nous.

Personne n'aime être suivi dans la rue et en mer, c'est pareil. On a eu envie de leur proposer de doubler mais finalement avec Tara Tari, nous avons compris qu'avec ces petits poissons nous pouvions nous aider mutuellement.

Bien groupés derrière le safran de Tara Tari, ces petits poissons sont des petits malins. Ils profitent de notre aspiration pour économiser leurs efforts. L'aspiration est un phénomène physique qui consiste à se placer derrière un costaud (enfin un solide, c'est pareil ;) lors d'un déplacement, en général à une vitesse élevée (c'est notre cas, c'est bien connu ;) afin de diminuer sa propre résistance aux fluides présents dans l'environnement. L'aspiration est fréquemment utilisée en courses, car cela permet d'économiser l'énergie fournie dans l'effort, tout en maintenant une bonne vitesse. Un truc de sportifs, ça l'aspiration! Ces petits pescaditos doivent être copains avec le cycliste Miguel Indurain ou avec le pilote de F1 Fernando Alonso. Malins, ces Espagnols.

Celui qui est devant fournit l'effort, alors de temps en temps, nous demandons aux petits poissons de passer devant. En cyclisme, on parle de "tourniquet belge" pour parler de ce changement en tête du petit groupe. C'est une méthode qui permet d'atteindre de très bonnes vitesses. Et nous la mettons en pratique avec nos petits amis les poissons.

La nature a su bien avant les cyclistes, coureurs de fond et autres pilotes F1, utiliser ce phénomène physique pour économiser de l'énergie. Chez les oiseaux les cormorans utilisent le phénomène, mais aussi et surtout les oiseaux migrateurs, comme les oies sauvages.


Les oies migratrices m'ont toujours fascinée. Elles volent en V tout autour de la terre.
Certains cétacés aussi fonctionnent en V pour se déplacer tout autour de la mer.
Dans le ciel, les oies volent en V car cela permet d'améliorer l'aérodynamisme du groupe, mais cela a aussi un lien avec le phénomène d'aspiration: toutes les oies du groupe, sauf celle de tête, bénéficient d'une petite amélioration de portance due à l'aspiration créée par l'oie située un peu devant dans le V. Les oies effectuent des rotations, afin que chacune puisse se reposer ou mener le V. Economie d'effort et gain de rentabilité; elles vont vite et très loin sans trop se fatiguer. La nature est bien maligne.

En mer, au pied des montagnes de la Sierra Cabrera,
avec Tara Tari et les petits poissons qui se reposent derrière le safran,
inspirée par cette aspiration naturelle,
mon esprit s'évade avec un envol imaginaire d'oies sauvages migratrices.
je me sens bien.

Capucine

vendredi 23 mars 2012

♪ je vois la vie en rouille ♪ ♫ ♪♪ ♫♫

A quai.

Qui dit "Tara Tari", dit "bricolage et autres bidouilles".
Alors de retour au port, je prends ma super trousse à outils, toute belle toute neuve du départ. Un dimanche après-midi comme un autre, de bricolage à la maison.


Jusque là, tout va bien. 
J'ouvre ma trousse à outils.

Et puis..


Et puis...

Garrucha, mars 2012
Voilà, l'histoire de la vie de mes outils à bord de Tara Tari.
Toutes les semaines, c'est le même constat rouillé.
Assez vite après Barcelone, j'ai ajouté une ligne à la "to do" liste hebdomadaire :
"vider l'eau de la trousse à outils".

Garrucha, mars 2012
La rouille et moi on se connaît bien.
On était en colloc' ensemble, pendant 3 mois à Lorient,
j'ai grattouillé la rouille de Tara Tari avec des brosses, du sable, avec une meuleuse et aussi un marteau. On se connaît par coeur.

 Gratouillage de rouille. Lorient, juillet 2011.

Mais loin des yeux, loin du coeur, elle a dû avoir peur que je ne l'oublie.
Alors elle revient.
Doucement, surement.
Que voulez vous

A nager dans le bonheur,
on finit par voir la vie en rouille.

Capucine

Dérive, la contre attaque.

En mer. en approche du Cabo de Gata.

Nous sommes donc là.
Encore et toujours là.
Toujours sous la pluie.
Toujours un peu collés sur l'eau.
Toujours en approche du cap de Gata.
Le moral est bon: derrière nous, le phare de la Media Naranja est de plus en plus petit.

le phare de la pointe Media Naranja, passé depuis belle lurette
Quelques heures plus tard, la pluie cesse enfin et le soleil perce les nuages. 
Le vent d'Est tombe, et c'est bien dommage car après plus de 50 heures sous la pluie, je pensais que nous serions récompensés par un vent favorable qui nous laisserait enfin passer le cap de Gata.
Mais non.

Après une matinée de pétole, le vent de secteur Sud Ouest se lève violemment. Je vois le truc venir et prends un ris. "Tara Tari, ça va souffler fort! préparons-nous!" je file dans le bateau, vérifie que tout est bien amarré, déplace ce qui pourrait se casser la figure et ressors aussitôt sur le pont. En quelques minutes, les vagues se soulèvent et le vent siffle un air strident. Une rafale un plus costaude nous couche sur l'eau. Tara Tari se redresse. Je prends un deuxième ris, mais nous sommes toujours trop toilés.
- "Voyons bonhomme, c'est quoi ces manières? on ne se tient pas vautré comme ça dans cette maison!" je plaisante avec TaraTari, en espérant que le vent va mollir un peu.
Mais non. Au contraire. ça monte, et j'affale vite la grand voile.

Pendant trois heures, nous tirons des bords inutiles. J'ai pris des repères sur la côte, il me semble que nous reculons. Il faut dire que je n'arrive pas à virer. Dès que Tara Tari se retrouve face au vent, les vagues l'empêchent de changer d'amure. Je reste calme, et essaie plusieurs fois. Relancer le bateau en reprenant un peu de vitesse et hop, on vire. Mais non, ça ne passe pas. Tant pis, j'empanne. Et empanner quand on veut avancer au près, ça n'aide pas. C'est la lutte. Les vagues sont toujours aussi désagréables, courtes, hautes. ça déferle dans tous les sens.

Le problème c'est qu'avec la pluie et la pétole, je n'ai pas dormi du tout depuis 48h et je me sens donc un peu fatiguée. Les vêtements toujours trempés, je me sens fatiguée. Je regarde la mer qui n'a pas l'air de vouloir se calmer, et le vent non plus. Je remarque aussi que nous dérivons vers l'Est.
"Avec ce vent fort du Sud Ouest, nous n'arriverons pas à passer, Tara Tari. On tente encore quelques bords, et on avise. Mais je sens que ça va encore être un retour au port."

Par Vhf, je contacte le petit port de San Jose. Sans moteur dans ces conditions, il est impossible d'aller s'y abriter et eux n'ont rien pour nous remorquer. "Si vous avez besoin d'aide, appelez les Sauveteurs en Mer". San Jose est a une trentaine de milles de là où je viens. Je suis désolée de ne pas pouvoir entrer dans le port. Mais pas le temps de se lamenter. J'empanne mais cette fois pour faire route vers le Nord. Par VHF toujours, je contacte le port de Carboneras. Petit port attaché à une centrale thermique, pas vraiment fait pour les voiliers, à 10 milles au sud de Garrucha. Personne ne répond et vu les conditions de mer, je préfère ne pas m'y aventurer.

La fatigue ne m'aide pas à réfléchir intelligemment. Je ne sais plus si être contente de ma décision de jouer la sécurité, déçue de ne toujours pas passer le cap. bref, c'est un peu confus dans ma tête. Porté par le vent, surfant les vagues, Tara Tari est stable. Alors, attachée, assise au dessus de la descente, je regarde le Cap de Gata s'éloigner. Je ferme les yeux et m'accorde quelques secondes réparatrices.

où sont le vent et les vagues? exemple d'une photo qui ne parle pas d'elle même
Sous foc seul, nous avançons désormais au portant, vite, très vite vers le Nord. Je n'ai pas l'habitude de voir le paysage défiler si vite. Je branche le petit GPS: qui m'indique notre vitese : 6,8! je n'ai jamais été aussi vite! 7,1!! oulala. ça va trop vite, ce n'est pas bon pour Tara Tari ça! Je vais à l'avant pour prendre un ris dans le foc. Mais nous dérivons beaucoup vers l'Est, et cela va vite devenir un problème, car si je ne fais rien, d'ici quelques heures nous serons à Cartagena ou même à Barcelone! Je relâche le ris du foc et passe à l'action. Quelques mois après "pétole, la contre attaque" voici "dérive, la contre attaque"!


Je file dans le bateau, note sur ma main la position du port de Garrucha et prends le GPS. Je regarde notre position, surveille le cap indiqué par le GPS, et attends 5 minutes. Au bout de 5 minutes, je relève notre position. 5 minutes plus tard, je recommence. Et 5 minutes plus tard, encore. Cela me permet de voir à quelle vitesse nous dérivons vers l'Est. En effet, il est urgent de faire quelque chose. Cap à l'Ouest. Je vise le début de la plage de Mojacar, situé à 5 milles au Sud de Garrucha. Normalement ça devrait être bon. Assez vite, et parce que nous nous rapprochons de la côte, les vagues sont moins désagréables, et le vent un peu moins fort car les falaises nous protègent. Bonne option! Et avec les jumelles, je repère l'entrée du port: "Super, Tara Tari! Nous allons réussir! youpi!"


Et voili. Nous avons réussi.

Retour au port n°5.
ça pourrait être le nom d'un parfum,
senteur d'amertume.

Next time, peut être.
Capucine

jeudi 22 mars 2012

L'orage

Deuxième nuit en mer depuis le départ de Garrucha.

- "flop" dit la grand voile
Nous sommes collés, le long des falaises. Aussi collés sur l'eau que mes vêtements le sont sur moi. Il fait nuit et une brume épaisse et humide s'écrase lourdement sur nous. Le vent est nul - dans tous les sens du terme. La brume est si épaisse que je ne vois presque plus le phare de la pointe de la Media Naranja.
- "flop flop" répète la grand voile

Il pleut. Je suis trempée, j'ai froid et je râle parce que nous n'avançons pas d'une méduse.
Évidement le pilote automatique raymarine non plus n'aime pas la pluie et le vent faible.
- "bip bip bip bip" râle-t-il pour annoncer qu'il ne bosse plus.
- "flop flop" se plaint la grand-voile qui se sent inutile.

Le pilote NKE soigneusement rangé pour le garder tout frais tout neuf pour la traverser de l'Atlantique, je débranche raymarine, et prends à la barre. De toute façon je suis déjà trempée, et je n'ai beaucoup d'options alors je me dis "ce n'est que de l'eau et a le mérite d'être allégée en sel ".

- "Flooooop flop" insiste la grand voile.
- "C'est bon, j'ai compris la GV! moi non plus je ne me sens pas très utile, alors prends sur toi!"
- "flop" me dit l'insolente.

Insolente, car dans ce dernier "flop", la GV a dépassé les bornes en me faisant une farce.
Alors que la pluie s'est calmée, je me reprends une averse. C'est exactement la même sensation, quand, à terre, après une averse, on marche sous un arbre dont les branches sont encore pleines d'eau. Un souffle de vent, juste au moment où vous passer sous l'arbre. Les branches bougent un peu. Juste un peu. Juste ce qu'il faut pour que l'eau des branches vous tombe sur la tête! Et voilà, vous êtes trempés. Et bien c'est pareil. La gv a secoué ses branches et hop. Je me suis pris toute l'eau sur la figure!
Mais... même pas mal, j'étais déjà trempée.

La pluie revient, plus forte qu'avant. J'entends le tonnerre, et je vois les éclairs en lumière diffuse dans les nuages un peu plus au Sud Est. C'est impressionnant. Le tonnerre raisonne, tout autour de nous. Nous sommes cernés par les éclairs. Il ne manquerait plus que l'on se prenne la foudre!

Accroupie, la main sur la barre, trempée jusqu'aux os, je lève la tête vers le haut du mât, regarde les éclairs, tout autour et réfléchis. Je repense avec affection à mes années de louvettes, à Bruxelles, pendant lesquelles nous mettions des pommes de terre sur le haut de nos tentes, pour nous protéger de la foudre. Mais je n'ai pas de pomme de terre à bord. Je peux éventuellement essayer de monter en haut du mât pour y 'installer' de la purée de pommes de terre en poudre, mais j'ai un doute sur l'efficacité du procédé. Sous la pluie, ce souvenir d'enfance me fait sourire.
Pour ne pas m'endormir à la barre, je chante à voix haute.

Après plusieurs heures de spectacle, le ciel prend enfin la couleur de l'aube.
La délivrance.
Le vent est un peu revenu et je tente d'aller chercher un peu de pression en bordure des nuages, ça fonctionne et je rebranche le pilote qui, après une nuit de repos, est ok pour fonctionner lui aussi.
Je ne suis plus qu'à quelques milles du Cap de Gata. Le bonheur malgré la bruine.



Et le nouveau jeu de la matinée a des airs de problèmes mathématiques. Voici l'énoncé.
Sachant que la terre tourne autour du soleil, que le vent tourne sans logique, que les grains se déplacent, que la houle nous pousse vers l'Ouest, que nous voulons aller vers le Sud et que le temps passe à une vitesse supérieure à notre avancée: Où Tara Tari doit-il se placer pour voir le soleil se lever ?

un grain mouvant
hop, hop. Quelques manoeuvres plus tard, nous rendons notre copie.
hum, hum. Quelques minutes, Jupiter, Neptune et Elole vont dévoiler leur verdict.
hé, hé. Soleil dévoilé! Nous avons eu bon :)


Le vent tourne et nous aussi,
Et nous avons vu le soleil.


C'était super beau.

La question que l'on se pose alors, ne doit pas être "que faire, en cas d'orage, pour voir le soleil ?" Mais plutôt "quelle chanson chanter en cas d'orage, pour enfin voir le soleil ?"
Chanter l'orage heureux. Voilà notre méthode.

"L'orage" de Georges Brassens. Une histoire amusante qui m'a permis de tenir toute la nuit. Si vous avez trois minutes, ça vaut le coup d'écouter les paroles.



-"flop, flop" acquiesce la grand voile.
Le vent est retombé.
A 3 milles du Cap de Gata.

Capucine

petite annonce

En mer. Nuit du 10 au 11 mars. A 20 milles du Cap de Gata.

Avec Tara Tari, nous avons été très sensibles à la gentillesse d'un cargo qui, à 4 milles des côtes, et alors qu'il faisait route vers le port commercial de Carboneras, a changé sa trajectoire pour nous. Il a fait un petit arc de cercle autour de nous en gardant une bonne distance, et a repris sa route.

Alors, voilà, cette petite annonce pour lui dire "merci"*
Je n'ai ni son nom ni son numéro MMSI, mais j'ai pu le prendre en photo.
J'imagine qu'il se reconnaîtra.


Parfois les cargos s'échouent sur les plages bretonnes, font de la peinture à l'huile sur la mer, peignent en noir les marées... Mais parfois aussi, les cargos sont nos amis. Au milieu des océans, les cargos peuvent parfois offrir eau et nourriture aux voiliers à sec, ou porter secours aux marins solitaires qui ont des petits soucis. Je ne dis pas cela parce que j'ai des amis dans la mar-mar (marine marchande) mais parce que cette nuit j'ai croisé un cargo super top.

Capucine


* Les équipages rencontrés à Garrucha sont majoritairement Philippins, alors si quelqu'un sait comment on dit "merci" en philippin, ça m'intéresse.

mardi 20 mars 2012

Une pointe de romantisme

( Garrucha - en mer - Garrucha again ) x 6
Je vous laisse faire le calcul. Vous avez 1 mois.

Après ma première arrivée à Garrucha, et après un peu de repos, je suis allée dans le seul café des environs qui a une connexion internet (+ une prise électrique) et j'ai regardé mes e-mails. Parmi les courriers rangés dans la catégorie "indésirables", il y avait un mail d'Emma d'Air Caraïbes. Objet du mail: "pour la Saint Valentin, faites-lui plaisir". Tout un programme.

Des offres de billets d'avion "Partez avec votre moitié" en direction des Antilles pour quelques centaines d'euros et quelques heures de vol - seulement. Les Antilles. Là où - il y a quelques mois - nous pensions pouvoir être dès le mois de mars. Or nous sommes en mars, et nous sommes à Garrucha.
Ou Emma d'Air Caraïbes a le sens de l'humour, ou elle se moque de nous.
J'ai parcouru les offres, rien n'indique que la moitié ne peut être un petit voilier de pêche du Bangladesh fabriqué avec de la fibre de jute. Mais bon, partir en avion, ce serait un peu trop facile. Pour être 24h/24h avec lui depuis plus de 4 mois maintenant, voire 7 mois si je compte les mois en chantier, je peux affirmer que Tara Tari n'est pas du genre à aimer la facilité.
"Message supprimé". Sans état d'âme.

Pour tout vous dire, avec TaraTari, le 14 février - journée mondialement commerciale des amoureux - nous étions à Aguilas et préparions la nav' suivante, bien loin des petits coeurs roses et rouges des vitrines. Comme toujours avant de partir en mer; je note dans mon petit cahier la position des ports, abris possibles jusqu'à Gibraltar, la position des phares et la cadence des feux de chacun et le briefing météo de Bernard, mon routeur Greatcircle. Sur la carte je remarque la Punta de la Media Naranja (Pointe de la moitié d'orange).


Mais qu'est ce qu'il peut bien se passer dans la tête des gens qui donnent les noms aux pointes, au cap et autres cailloux de la côte ?!
Punta de la Media Naranja.
Pointe de romantisme.
Surtout que nous devons la passer le 15 février.
Pile dans le thème de la Saint Valentin.

Punta de la Media Naranja
Mais Tara Tari & moi vivons bien loin du calendrier des dates imposées.*
La preuve ?
Plus de 12 passages.

Nous avons à notre actif, plus de 12 passages de la Punta Media Naranja en moins d'un mois.

De jour,
de nuit,
sous le soleil,
sous la pluie,
par vent d'Est,
de Sud Est,
de Nord Est.
Avec 0 noeud de vent,
avec 5 noeuds de vent,
avec 15 noeuds de vent,
avec 25 noeuds de vent,
avec 35 noeuds de vent,
à 1 mille nautique de la côte,
à 1,5 mille nautique de la côte,
A 2 milles nautiques de la côte,
A 3 milles nautiques de la côte.
Par mer plate,
par mer peu agitée,
par mer agitée,
par mer très agitée.
Avec des bottes,
avec les pieds nus.
Au milieu des pêcheurs,
à babord d'un cargo,
à tribord d'un cargo.
Avec capuche,
sans capuche.
Avec bonnet,
sans bonnet.
A babord d'une tortue,
à tribord d'une méduse.
Avec les deux voiles,
avec 1 ris dans la grand-voile,
avec 2 ris dans la grand-voile,
sans la grand-voile.
Avec le foc tout seul,
avec un ris dans le foc tout seul.
En me tordant la cheville,
sans me tordre la cheville,
Dans un sens,
dans l'autre,
au travers,
au près,
au portant.
En me coupant le pouce,
sans me couper le pouce,
En mangeant une orange,
en mangeant des noisettes,
sans manger du tout.
Avec le sourire,
sans le sourire.
énième passage de la Punta Media Naranja - énième retour vers Garrucha
C'est très sincère.
Avec Tara Tari, ma petite moitié d'orange à moi, nous pensons que la Saint Valentin doit se fêter tous les jours et par tous les temps. Nous allons continuer à passer la Pointe de la moitié d'orange tous les jours. Pour vous le prouver. Et aussi un peu pour tenter de réussir à passer ce cher et tendre Cap de Gata.
Vive les oranges.
Capucine


* à l'exception de la Journée Mondiale de la Fenêtre Ouverte

ps: si quelqu'un pouvait demander à Emma d'Air Caraïbes, s'il existe un vol Garrucha - Les Antilles, pour deux, ça m'intéresse. Peut-être faudra-t-il lui préciser qu'une des deux moitiés est un petit voilier.

dimanche 18 mars 2012

Because I am a Girl

Journée des filles, je ne sais plus quel jour.

Avec les filles du milieu de la course au large, nous formons une belle équipe, connue sous le nom de "Aux filles de l'eau", et participons à différentes épreuves sportives en portant les couleurs d'associations qui ont besoin de soutien et de visibilité. Le plus souvent, nous naviguons pour le programme "Because I Am a Girl" de l'ONG Plan. Ce programme vise à défendre et faire respecter les droits des petites filles du monde. Car dans beaucoup d'endroits où la vie est dure, les petites filles sont encore moins bien loties que les petits garçons. L'action de l'association Plan est belle et mérite d'être soutenue, par le biais de dons ou de parrainages.

en espérant que ce soit en mieux... ;-)
Début Mars, les filles de l'eau participaient à la Women Cup, une régate féminine en J80 pour soutenir le programme "Because I am a Girl". L'année dernière, malgré mon hospitalisation et le fauteuil, j'étais allée à Pornichet, pour encourager les copines. C'était ma première sortie, parce que je trouvais que c'était important de se mobiliser ainsi, entre filles, pour des petites filles, et aussi parce que cela me changeait les idées à un moment assez compliqué à vivre pour moi. J'avais pu venir grâce à Sam Davies qui a su trouver les mots, grâce à Ronan Deshayes, qui a fait taxi de Kerpape à Pornichet, et grâce à Sandrine Bertho qui a pris soin de moi tout le week-end et m'a redéposée à Kerpape. Ce week end de mars 2011, je ne suis pas prête de l'oublier. Enfin voilà, tout cela, c'était il y a un an et jamais je n'aurais cru être en état de vivre mon aventure un an plus tard. Mais j'y suis parvenue, et du fin fond de l'Andalousie, bien loin de Pornichet, j'ai passé mon week end au couleur de Because I am a Girl, comme pour soutenir à distance les copines qui formaient deux équipages à Pornichet, et aussi parce qu'à bord de Tara Tari, petit voilier de pêche du Bangladesh, je suis contente de porter les couleurs du programme "Because I am a Girl".

à bord de Tara Tari, mars 2012
Pour soutenir l'action de Plan, vous pouvez aller sur le site www.droitsdesfilles.fr et acheter ce t-shirt rose ou autres petits objets, vous pouvez aussi faire un don à l'association, ou encore mieux, parrainer une petite fille. La démarche est simple et chouette.


J'ai passé beaucoup de temps au Burkina Faso, construit une école là-bas et je sais que l'accès à l'école est toujours plus compliqué pour les petites filles. Bien que des efforts soient sans cesse fait pour donner des chances d'avenir aux petites filles, les petits garçons sont souvent prioritaires pour l'éducation et les loisirs. Voici une photo que j'avais faite dans ma petite école de brousse au Burkina Faso (rien à voir avec Plan) mais, j'ai re-regardé une photo histoire de voir si cette réalité était vraie dans cet endroit que je porte dans mon coeur. Il s'agit de la petite ardoise de présence de la classe de CE1, une journée de juin 2005. C'est plutôt pas mal. Mais dans beaucoup d'endroits, ce n'est pas ça.



Alors voili, ce petit mot pour encourager tout le monde à soutenir le programme "Because I am a Girl" et aussi pour dire aux copines que je suis à fond avec vous, notamment dans votre prochain défi : "Glisse en coeur".

24h de ski non-stop et de collecte de dons au profit d'une autre bonne cause... Toutes les infos sur la page facebook des Filles de l'eau ici

Allez les filles! On farte les skis et go!
je suis loin, mais de tout coeur avec vous,

Capucine

Que sont-ils devenus ?

Garrucha. le 17 mars 2012.

Cela fait 4 mois que nous sommes partis de La Ciotat. 4 mois de vie avec TaraTari, ce n'est pas rien. Notre petit couple se porte bien. Et je profite d'un vent de secteur Sud Est très enquiquinant pour vous donner quelques nouvelles des uns et des autres, à bord ou ailleurs.

-  Djian Dong, le petit moteur.
Djian Dong dit la Murène
Toujours planqué sous le plancher.
Toujours en hivernage.
Rien n'a changé, si ce n'est peut-être sa bouille, encore plus pleine de rouille.
Depuis La Ciotat, Djian Dong, le petit moteur chinois, n'aura jamais voulu m'aider à avancer.
Le bon côté: il m'aura fait faire des économies (pas de frais d'essence) et puis, c'est mieux pour la planète.
Message privé pou Djian Dong: "Ma petite murène préférée, si tu lis ces quelques lignes, sache que tu nous manques et que nous aurions bien besoin de toi, avec Tara Tari. Tu as ta place à bord, tu le sais. Je t'en prie, Djian Dong, viens nous aider!"
relire l'épisode " Le jour où Djian Dong m'a dit 是 "

- Roméo, le pavillon de courtoisie.

L'opération s'était bien passée, dans le Golfe du Lion. Quelques points de suture plus tard, et le pavillon Roméo s'était transformé en pavillon de courtoisie espagnol. Malheureusement, au fil des coups de vent, le pavillon espagnol hissé sur le hauban tribord a eu du mal à survivre. Une tempête dans le port de Valence a tout décousu, et Roméo était revenu à son état originel. Je me suis donc remise à la couture. Malgré ce petit air décousu - recousu, TaraTari reste courtois avec l'Espagne.
relire l'épisode " Marseille - Barcelone; Caresser le Lion "

- Coco, je parle de la noix.
Lorient, le 16 octobre 2011
C'était le 16 octobre 2011, devant la Cité de la Voile Eric Tabarly, à Lorient. Avec Coco, nous avions baptisé TaraTari avec une noix de coco, et jeté tous les deux une moitié à la mer. Une moitié aurait été vue par un cargo à 127 milles au sud des Açores. D'après le rapport de mer, il semblerait que la petite coque profite agréablement des alizés pour rejoindre les Antilles. L'option départ de Bretagne s'avère donc être plus efficace et rapide qu'un départ de Méditerranée (je retiens pour la prochaine fois). Quant à l'autre moitié, elle serait restée en Bretagne. D'après le témoignage du voisinage, elle aurait été recueillie par un petit garçon sur une plage du golfe du Morbihan et passerait désormais ses jours à jouer les bateaux de pirates dans une baignoire. Après 4 mois de mise à l'épreuve dans la baignoire, il semblerait que la petite coque, en fibre de coco, naturelle donc, soit plus résistante que les bateaux en plastique amarrés dans la même salle de bain. De bonne augure pour l'aventure, ces coques de noix de coco du baptême!
relire l'épisode "Baptême à la noix de coco"

- Béquilles, les barres de flèche.

Ma petite touche revancharde. A la mise à l'eau de Tara Tari, à Lorient, mes béquilles de flèche avaient créé l'événement. ça faisait sourire. Une moitié de sourire très amicale pour le symbole que cela représente pour moi, et une autre partie de sourire relativement teintée de scepticisme. Le genre de sourire qui dit "Elle exagère quand même. La récup' ok, mais là, les béquilles c'est too much". Et bien, Amis sceptiques, après 4 mois de navigation dans un hiver assez rude en Méditerranée, les béquilles de flèche vont super bien! Elles ont tenu malgré les coups de vent violent :). Et ouai.
Partout où je passe, mes béquilles continuent à susciter des "Ooohh!" indignés et des "Olala, chéri, tu as vu les barres de flèche, ce sont des béquilles, elle est vraiment folle cette petite Française!".
Mes béquilles m'ont aidé à marcher, et m'aident désormais, bien qu'un peu perchées, à naviguer. bien qu'un peu perchée ;-) 
relire l'épisode "Qui voit Groix, voit sa joie"

- Greenwich, le méridien

Toujours fidèle au poste. Il n'a pas bougé, sépare, enfin, lie toujours l'Est et l'Ouest.
Selon une source proche du méridien, il rêverait en secret de voyager et, pourquoi pas, de changer de secteur : son ambition, faire le lien un jour entre le Sud et le Nord.
Avec Tara Tari, toujours un peu à l'Ouest, nous lui souhaitons d'aller au bout de son rêve.
relire l'épisode "Un peu à l'Ouest"

- Héraclitus, la jonque.
Heraclitus à Marseille, novembre 2011

C'était une des belles rencontres faites à Marseille. Héraclitus, navire de recherche américain, jonque en ferro-ciment. Je suis toujours en contact avec Christine, la chef d'expédition, Allemande. Heraclitus est en ce moment à Sète. Oui, oui, à Sète... tout près de Marseille. :)
Enfin un bateau qui ne va pas beaucoup plus vite que nous!
suivez ce bateau atypique!
relire l'épisode Heraclitus

- Rhum et Horn, mes jambes.
tout va bien !
2010, je suis dans le bloc opératoire. le docteur Gihr va me 'refaire' ma jambe droite juste avant que je tombe dans le sommeil de anesthésie générale, il me regarde et me dit "on va faire ça bien, et tu verras, un jour cette jambe-là fera la Route du Rhum". En 2011, bis repetita; je suis dans le bloc opératoire pour ma jambe gauche. Sur le point de m'endormir, le docteur Gihr me dit "on va faire ça bien, et tu verras, un jour cette jambe-là passera le cap Horn". Et voilà, en 2012, mes deux jambes n'ont encore fait ni Rhum ni Cap Horn, mais elles ont navigué tout l'hiver en mer Méditerranée. Merci beaucoup docteur Gihr pour ces opérations salvatrices.
Aujourd'hui, mes jambes vont bien. Je souffre, c'est certain, mais je navigue, alors je suis heureuse. Lorsque j'arrive d'une nav', j'éprouve toujours le besoin de me "déplier" un peu, je dois passer 24h allongée et soulage la douleur avec la morphine. Mais je ne prends aucun médicament en mer, afin de rester lucide et de pouvoir bien jauger ma douleur. Je profite de ces quelques lignes pour remercier Didier Gihr (clinique Ambroise Paré, à Neuilly sur Seine), Thierry Charland et tous les soignants de Kerpape (56) qui ont cru en mon aventure et m'aident à la vivre.
Bilan après 4 mois: Le fauteuil flottant est bien plus sympa que le fauteuil roulant.

- Olivia, le porte bonheur.
Olivia, porte bonheur de mon aventure
Olivia est le petit bébé de mon frère et ma belle soeur Espagnole. Elle est née à Barcelone, le 26 novembre. Naissance "Même jour même heure " que l'arrivée de TaraTari à Barcelone. C'était une grande émotion. Née un peu en avance sur le planning initial, elle a fait sa première sortie dans la vraie vie à l'âge de 6 jours, pour venir voir Tara Tari. Elle pesait un peu plus de 2 kilos, le genre de coéquipière de rêve, qui ne prend pas de place à bord :) Aujourd'hui, âgée de bientôt 4 mois, Olivia est en pleine forme et ses sourires que j'ai pu voir en photo font venir l'été un peu plus tôt que prévu sur le planning.
relire l'épisode "Olivia familia Barcelona"

- Cassiopée, Andromède et les autres, les étoiles.
Toujours là, les étoiles.
Mais début février, il y a eu une alerte à la comète sur la ligne La Polaire - Markab.
Les étoiles filantes ont été momentanément interrompues, entre les stations Sxheat - Markab, dans les deux sens.
relire l'épisode "le ciel et le métro"


- RBS, mon arcade sourcilière

C'est l'histoire d'une apprentie aventurière, qui la veille de la Coupe du Monde de Rugby, s'est pris la bome de TaraTari dans la figure. Aujourd'hui, en plein Tournoi des VI nations, mon arcade sourcilière revient à la mode, et cicatrise enfin! J'ai toujours un oedème résiduel (si il y a une houle résiduel, il doit bien y avoir un oedème résiduel ?!), mais la cicatrice n'est pas trop moche, planquée sous les sourcils. Tara Tari et moi sommes frères de sang pour de vrai et j'en garde une belle trace. Heureusement, l'expérience bome dans la figure n'a pas été renouvelée et je nous en félicite.
Pour les inquiets, pas de panique, la bome, elle, ne s'était pas fait mal.
relire l'épisode "Le bonheur est dans la soupe - du père Jaouen"

- Christophe, le Colomb.
Toujours à Barcelone.
Toujours pas bougé d'un pouce.
- Tiens bon Christophe, on y va, on y va, vers l'Amérique!
Avec Tara Tari nous allons solliciter une deuxième journée mondiale de la fenêtre ouverte.
je vous tiens au courant.
relire l'épisode "Journée Mondiale de la fenêtre ouverte"

- Sud Est, le vent.
Toujours là, le vent de secteur Sud Est.
Tout va bien pour lui.
Il n'a pas bougé d'une girouette.
Et nous bloque le passage du Cap de Gata.


à bientôt pour plein d'autres nouvelles,
Capucine

relire tous les épisodes sur www.whereistaratari.blogspot.com  ;-)

vendredi 16 mars 2012

c'est rien à côté d'Iguaçu

Aguilas - Garrucha. En mer.

Hasta luego Aguilas!
Je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, mais je suis à fond! L'adrénaline de la tempête, la beauté des falaises vue de la mer, de bonnes nuits de repos à Aguilas. Je suis de super bonne humeur et je ne sais pas, je suis à fond. Tara Tari aussi. Nous partons vite et bien. Tout va bien.

super départ d'Aguilas! attention ça vire, le sud c'est de l'autre côté
10-15 noeud de vent de secteur Nord Est. C'est tout simplement super. Le vent va nous porter. Dans ma tête le prochain arrêt, ce sera Gibraltar! On peut toujours rêver, après tout pourquoi pas, ça fait du toujours du bien de rêver! D'Alicante à Aguilas, nous avons parcouru plus de 100 milles en 48h. ça rend assez plausible mon ambition d'arriver à Gibraltar en quelques jours. TaraTari peut le faire. Franc 'croquage' de pomme pour fêter ça. Assez vite, le vent monte et il me faut prendre un ris dans la grand voile. Le vent est toujours de secteur Nord Nord Est, ce qui est absolument idéal pour progresser vers le Sud Ouest. Et puis le vent fait une courte pause, le temps pour lui de changer de sens et, pour moi, de lâcher le ris. Il est désormais de secteur Sud. Ce qui n'est absolument pas idéal pour progresser vers le Sud. En quelques minutes il repart à fond les ballons et il me faut vite reprendre un ris. On commence à connaître la chanson méditerranéenne: prendre un ris, le lâcher, le reprendre. That's life. TaraTari avance désormais au près, gîté sur tribord. La nuit tombe, et le phare de la Punta de la Media Naranja est mon repère pour progresser vers le Sud.

Nuit sans lune. Tout est sombre. Les étoiles sont là, mais l’humidité de l’air a embrumé le ciel, et trouble désormais la vision. Le vent souffle, a pris de l’élan depuis que le soleil s’est en allé. Il fait froid et humide. Cette nuit ressemble aux autres nuits. j’enchaîne quelques manœuvres pour adapter les réglages des voiles en fonction des nombreuses variations du vent. Finalement, ce sera Sud Est. Tara Tari avance bien, au près, à 3,5 nœuds malgré le ris pris dans grand-voile.

Gîté sur tribord, je passe beaucoup de temps à l’intérieur, à écoper l’eau qui rentre en abondance. J’ai coupé en deux une bouteille - vide - d’eau minérale. La partie du bas me sert d’écope. Mes gestes répètent le même mouvement, j’écope, verse tout ça dans le sceau. Je vide des seaux de 10 litres en continu. C’est impressionnant toute cette eau. Avec la pompe offerte à Marseille par Guillaume et Anaïs, je n’arrive pas à vider suffisamment rapidement. Le débit est trop rapide et comme il n’y a pas de robinet, quand je suis fatiguée de remplir puis vider les sceaux, je choque un peu la grand voile pour changer l’angle de gîte du bateau. Mettre un peu plus à plat Tara Tari, ça ralentit mais cela m'offre un peu de répit, réduit le débit. 

C’est épuisant tous ces seaux d’eau à vider, pourtant je sentais d'attaque. A l’intérieur, l’espace de vie est assez petit, on ne tient ni debout ni assis. Accroupie, malmenée par les vagues, j’écope et je tends les bras pour vider les seaux dans le cokpit. Cela aura au moins le mérite d’être un bon exercice de musculation pour les bras et le dos. Mais cela me prend une énergie folle. Parfois une vague claque le bateau et bouscule mon mouvement, le sceau se cogne contre le contour du hublot, et je me reprends l'eau dans la figure. Trop sympa.

 Je n'ai jamais trop osé en parler jusqu'à maintenant. Les problèmes d'incontinence de Tara Tari ne regardent que nous. C'est délicat de parler de ces choses-là. Mais bon tant pis pour le secret médical, je balance. Voici un petit aperçu de la source-chute d'eau secrète de Tara Tari.


 Le problème de l’eau qui entre dans le bateau n’est pas nouveau mais il est un peu plus important qu’avant. Il me semble que cela vienne du tube d’étambot, mais je ne suis pas complètement sure. La géolocalisation de l’accès mer-bateau est un mystère sur lequel j’enquêtais déjà lors du chantier, à Lorient. L’eau entre quelque part, remplit le caisson étanche fait le tour du bateau alors quand le bateau gîte la flottaison arrive au niveau du trou fait pour passer des câbles électriques et par un tout petit trou au niveau de la cuisine. J’ai protégé le tube qui conduit les câbles aux batteries, pour que l’eau ne puisse pas couler le long des gaines de câbles…  je fais ce que je peux pour éviter les courts-circuits. Visiblement ma protection marche car jusqu'à maintenant, pas de court-circuit ni d’eau dans le bac des batteries. 

Aux escales, j’enlève la plaque et les 10 pains d’aciers qui servent de ballasts dans le fond du bateau, afin d’accéder à la petite vis qui sert d’accès caisson étanche – intérieur du bateau. Le caisson étanche arrière ouvert, cela me permet de vidanger l'ensemble. L'eau entre aussitôt, mais au moins pendant quelques heures, TaraTari a les fesses un peu moins dans l'eau. J’ai essayé de naviguer avec le caisson étanche ‘ouvert’, mais le débit est trop dur à suivre quand le vent souffle fort et que nous gîtons beaucoup. Puisque je ne fais pas encore de très longues traversées, je préfère vidanger lors des escales.

Retour en nav'. Entre deux seaux d’eau, je fais une pause pour vérifier que tout va bien dehors. Rituel de veille : tour d’horizon pour repérer d’éventuels feux de navigation ou bouées de pêche, vérification la direction du vent afin d’adapter les réglages des voiles, et enfin faire un point sur la carte et tenir le journal de bord.

Tiens, un petit feu vert, devant. Dans l’obscurité, je scrute la petite gommette verte. C’est étrange, elle semble se rapprocher, mais reste petite et l’intensité de sa lumière ne s’intensifie pas. Je ne comprends pas trop de quoi il s’agit. La petite lumière est maintenant tout près, je prends la barre pour modifier un peu ma trajectoire : c’est une bouée de pêche. C’est peu malin de mettre des lumières vertes sur les bouées de filets de pêche. Les filets sont évités, je redescends pour vider l’eau. Tara Tari va assez vite… le débit d’eau est toujours plus important quand on prend de la vitesse. Bientôt près de 30 seaux d’eau bien remplis, soit déjà 300 litres d’eau vidés pendant la nuit! Et les vagues tapent encore sur la coque. Saletés de vagues. Impossible de dormir.

Au Sud, je vois trois lumières blanches. Au début je crois que ce sont trois pêcheurs. En fait c’est un cargo qui va au port de Garrucha. Je suis épuisée, et je décide de m’y arrêter car le vent se renforce et il n’y a plus vraiment d’abri après. Il fait nuit et il m’est impossible de repérer le phare pourtant indiqué sur la carte, ni même le feu vert qui marque l’entrée du port. Je tire des bords pour me rapprocher de la plage, et tente de suivre des yeux le cargo qui se rend au même endroit que moi. Tant pis pour le phare et l’entrée du port, je me sers de la position GPS pour m’orienter.

Le jour arrive. Sur la ligne d’horizon, à l’Est, trois formes se dessinent. Je pense que ce sont deux cargos et peut-être un pêcheur. Je vais surveiller très attentivement ces navires. Le soleil va bientôt se lever. Le ciel est rose, et je souris, car l’un des cargos a pris la forme d’un champignon de Paris, le deuxième, celui d’une girolle, quant au pêcheur, il ressemble à une petite fraise des bois. Je souris, me passe la main sur le visage, bois une gorgée d’eau. Ce sont des nuages! 
- "Reste cool, Capucine, tout va bien!" je me moque de moi.

Je me sens vraiment fatiguée. Même si ma petite chute d'eau dans le bateau n'est rien comparé aux chutes du Niagara, ça fait un bon débit. Les gens aiment bien se dire, pour se rassurer "Il y a pire, tu sais". Mes petits problèmes de fuite, c'est vrai que c'est de la gnognotte à côté de Victoria ou d'Iguaçu.
Bon j'avoue je ne suis jamais allée voir de grandes chutes d'eau lointaines. Plus la peine, j'ai les même à la maison. en petit. Pas de drame, juste de la fatigue. 

Les chutes d'Iguaçu
J’arrive enfin au port. Manœuvre à la voile, nickel malgré ma fatigue. J’amarre Tara Tari, fière de ma manœuvre. Rituel d’arrivée : je plie les voiles, et file aussitôt remplir les papiers. De retour au bateau je m’assois sur le quai, et grave erreur, je m’allonge et m’endors. Je suis réveillée par une voix qui me souhaite "bienvenue à Garrucha" J’ouvre un œil, éblouie par le soleil, c’est un des marineros qui me parle. Je vois sa tête, en contre jour au dessus de la mienne. Où suis-je? 

Garrucha

Allongée je regarde les nuages qui filent comme des pelotes de laine se débobinent.
C'est joli.
Je repense aux cargos mi champignons - mi fraise des bois. Quelle nouille je suis!
Et je pense aussi à toute cette eau de mer qui transite par Tara Tari, depuis des mois.
Quel intérêt pour la mer?

On ne peut pas tout comprendre dans la vie.
Avoir une source dans sa maison, ça donne de la valeur au domaine, il paraît.
C'était usant, cette nav.

Capucine


vendredi 9 mars 2012

essayez avec cette orthographe

Aguilas. en escale.

- "Un cafe con leche por favor" après une bonne nuit de sommeil, un bon bol de café et un peu de lait, de quoi bien attaquer la matinée. Enfin quand je dis attaquer, c'est une façon de parler. Pauvre matinée, elle n'a rien demandé. Dans ce café, il y trois bonshommes - je parle de l'endroit, pas de mon bol. Hier soir déjà, ils étaient là avec d'autres gaillards, en pleine répèt' musicale. Guitares, chants et clap clap avec les mains. Musiques andalouses. Il se passe quelque chose à Aguilas, c'est sûr. Je demande au camarero. "Ils répètent pour le carnaval!". Le carnaval d'Aguilas, c'est Rio en version village espagnol. "Reconnu événement touristique d'intérêt national depuis 1997" me précise-t-on fièrement. Je comprends mieux certaines curiosités de la ville. Comme cette petite maison garage du club des petits amis de blanche neige. Super rigolote. C'est pour le très célèbre carnaval d'Aguilas.

Aguilas
Rapide coup d'oeil sur les fichiers météo en évitant de renverser mon bol sur mon petit ordi. Oh mais c'est que ça à l'air pas mal du tout tout ça! Dernières gorgées de café cul sec, je prends mon sac et file vers le port. Hasta luego les musicos!
- "Tu ne restes pas pour le carnaval?"
- "J'aimerais bien, mais la météo est bonne, je dois y aller!"
- "Adios Capitana!" 

Depuis que je suis en Espagne, et partout où je passe, les hommes m'appellent "Capitana". Certainement parce qu'ils n'ont pas l'habitude de voir une femme naviguer en solitaire, pas l'habitude non plus de voir une femme 'capitaine' de bateau. Marins pêcheurs ou plaisanciers, ils m'appellent tous pareil, et c'est toujours dit avec beaucoup d'affection.

A la marina Juan Montiel, les marineros viennent à ma rencontre et dans le petit bureau, Luis me tend un feutre. Il a développé une grande photo, genre poster, un portrait immense de ma petite tête. Je me sens rougir. Il m'explique:
- "J'ai été sur Internet, c'est incroyable. Au début en te voyant sur ce bateau, je n'ai pas compris, c'était surréaliste de te voir sortir de la tempête, et arriver comme ça à la voile. Et tu semblais tellement fatiguée en arrivant. C'est fou ce que tu fais!" dit-il en encadrant ma photo et en l'accrochant au mur. ça me fait tout bizarre. On ne s'habitue pas à ces choses-là. Et puis des personnes arrivent. Un journaliste de la radio de Murcia (la grande ville de la région). Et une autre personne de l'EFE (l'AFP espagnole). Valencia, Alicante, Aguilas.. A chaque escale, les journalistes arrivent, prévenus je ne sais pas trop comment de ma présence. Itw rapide, la météo est bonne et je tiens à partir le plus vite possible pour profiter de la lumière du jour. Après quelques photos avec l'équipe du port, il n'est pas 10h, les amarres sont larguées et les voiles, hissées. Plus tard, lors de l'escale suivante, en découvrant les articles, j'ai compris le pourquoi de cet engouement médatique.
Exemple avec cet article du journal "La Verdad" (>> La vérité) :

CLIQUER ICI POUR LIRE L'ARTICLE

La dizaine d'articles évoque la présence de "Crochet" à Aguilas.
Je ne savais pas que le méchant capitaine était de retour. 
Hum. Il y a peut-être confusion.
D'abord on m'appelle "Capitana", maintenant "Crochet".
Pourtant, j'ai beau regarder :

James, de son ptit nom

La ressemblance n'est pas frappante. Et je ne participe pas au grand carnaval d'Aguilas.
Ok je boite un peu, j'ai des cicatrices et aussi des jumelles (on s'adapte à son temps) mais je n'ai pas de moustache, de chapeau à plume ni de manteau rouge.
: /
En même temps. Je me mets à la place du journaliste qui aurait voulu en savoir plus sur moi. Réflexe Internet... Et pourquoi pas Wikipedia. On se sait jamais. Selon des amis, tout viendrait de là.
Wikipedia. Recherche: "capucine trochet".
Rien.
Enfin si. 
Une suggestion. "Essayez plutôt avec cette orthographe".
Je n'invente rien; la preuve : CLIQUER ICI POUR VOIR SI CAPUCINE DIT DES BETISES

C'est certainement pour ça que le marinero a dit "J'ai été sur Internet. C'est incroyable!"


Quelques clics et hop voilà, mon identité est révélée.
Descendante du plus méchant des pirates imaginaires.
A votre place, j'aurais peur.

Capucine... Trochet ;)

mercredi 7 mars 2012

Aguilas, mystère et boule de gomme

Aguilas. au port.

Du Cap de Palos au Cap de Gata, faire route directe était une idée qui me plaisait bien. Couper un peu pour réduire la distance et progresser plus vite vers le sud, c'était tentant. Mais tout ne se passe pas comme prévu, il fallait s'y attendre. Dans le vent fort depuis le passage du Cap de Palos, la nav' n'est pas facile voire éprouvante et vers 7h du matin, voyant que le vent ne faiblit pas, je décide de me rapprocher de la côte pour me mettre à l'abri. Cap sur Aguilas, petit port caché dans les falaises, situé pile dans l'Ouest de ma position.


Aguilas, c'est l'arrêt imprévu. Je me dirige désormais vers ce petit point sur la carte qui veut dire "Aigles".  Normal, après avoir dansé le rock dans les vagues, d'aller voir The Eagles.
Aguilas, Aigles, Eagles... Hotel California..
Bon d'accord, elle est un peu nulle ma remarque.
Mais je suis fatiguée. Je me suis pris une tempête dans la figure, là.
Circonstances atténuantes, nan?
En tout cas, penser à ça là, fatiguée et trempée, ça me fait sourire, c'est toujours ça.

Dans le vent fort, travers au vent, je suis super fière de TaraTari qui file direct vers la position du port. ou plutôt en direction de cette avancée de falaise qui protège la petite ville.
En approche, je contacte le port par VHF pour annoncer mon arrivée - à la voile. Mais le port me dit
- "non vous ne pouvez pas entrer, pas de place pour vous ici".
- "Ah bon. Mais vous êtes surs que vous voulez me refuser d'entrer? Il y a beaucoup de vent, là..." ('manquait plus que ça!)
- "Il y a une autre marina, un peu plus au sud, vous verrez, ce n'est pas loin"
- "Je ne la vois pas sur la carte, vous pouvez me donner sa position?"
- "Elle est nouvelle, c'est pour ça. La position? je ne l'ai pas, mais vous verrez le port!"
Ok. bah je vais me débrouiller alors. Merci.

Entrée du port trouvée.
Les jumelles, quelle belle invention.
TaraTari est ainsi amarré à la Marina Juan Montiel.

avec Tara Tari, nous venons tout là-bas-là-bas au loin, pas mal hein?
Juan Montiel n'était ni écrivain ni joueur de foot. Juste riche. Il s'est payé un port à son nom et la moitié de la ville. Après tout, pourquoi pas. Dans cette marina flambant neuve, la réaction des marineros est d'abord "oulala c'est quoi ce bateau?!?!" Après vérification des papiers et de mon passeport dans la capitainerie, je repars vite au bateau. Amarrer TaraTari, parfois, ça relève autant de l'exploit que de naviguer en pleine tempête. En Med', dans les ports ils utilisent un système de pendilles pour amarrer les bateaux. TaraTari n'est pas fait pour ça, et je n'aime pas ça du tout.

La pendille. Il y aurait de quoi écrire un livre entier sur ces fichues pendilles.
Ce système consiste à amarrer le bateau perpendiculairement au quai. La pendille est une amarre qui a pour but de retenir le bateau pour ne pas qu'il tape dans le quai, mais ce n'est pas si simple. Une extrémité de l'amarre est attachée au quai, l'autre, à une grosse chaine ou corps mort au fond de l'eau, à quelques mètres du quai. Il faut donc choper le gros cordage tout marron, plein de vase et de berniques qui coupent les doigts, qui prolonge la chaine et l'amarrer au bateau. Seulement voilà, les bateaux un peu plus normaux ont des taquets ou des étraves plus adaptées que TaraTari. Alors il faut que je fasse revenir le gros cordage tout vaseux et coupant jusqu'aux supports de dérives, points d'attache les plus costauds du bateau. et je dis bien auX dériveS. soit double manip', car si je n'utilise qu'une pendille, TaraTari ne sera pas perpendiculaire au quai et risquerait de foncer dans le ciment du quai.

Heureusement, le port est vide, on ne me dira rien si j'en utilise 2. Pas fastoche de nouer ces énormes cordages aux supports de dérives. En général, on les bloque dans des taquets. Et je n'en n'ai pas, de taquets. Et je suis fatiguée. Un tour mort et deux demi-clefs. ça tient. mais je n'ai plus de bras. Et j'ai les mains écorchées par ces grosses cordes toutes vaseuses. Et je ne sais pas trop comment descendre de là, maintenant. Soupir. Si je rencontre celui qui a inventé la pendille, rappelez moi de ne pas le remercier. Une fois à terre, j'assure l'amarrage au quai, grâce à un bout que je fais revenir des deux côtés de la cadène d'étai. Tout ça me prend facile vingt minutes mais TaraTari est nickel, là. Plus facile de garer une trotinnette, je suis sure. pfiou. c'est bon, je peux arrêter de râler. Fichue Méditerranée. 

La pendille: concept méditerranéen que je ne suis pas certaine d'AdOrer.
Un peu de repos.
Mais je suis gelée et trempée. Le repos sera pour plus tard. j'ai froid, tellement froid.
Une douche à la capitainerie, ça va me faire du bien.

Pieds nus sur le carrelage frigorifié, je tremble, grelotte.
Je m'avance pour appuyer sur le gros bouton de la douche.
C'est toujours l'angoisse: l'eau sera-t-elle chaude?
Un jet glacé tombe du pommeau suspendu.
AAAARGGGHHHH. C'est froid. :(
J'essaie d'éviter l'eau gelée sans toucher non plus le mur en carrelage encore plus froid. j'appuie une deuxième fois sur le bouton que je tourne vers le rouge. rien ne bouge. c'est gelé. :(
Une main pour vérifier.
Ne pas oublier de respirer.
Mes pieds nus sur le sol sont blancs, violets.
Et puis l'eau chaude arrive. 
On dit parfois de personnes peu futées qu'elles n'ont pas inventées l'eau chaude.
Là, sous ma douche tiède, savourant cette eau ruisselante sur mon visage, je pense à celui qui l'a inventé, l'eau chaude. Je me dis qu'un jour il faudra le remercier.
- "De l'eau chaude!" certainement tiède en vrai mais qu'importe cette sensation de chaleur est tellement bonne. j'en pleure presque de bonheur.
Je reste un long moment sous le filet tiède.
Des vêtements secs et chauds. que c'est bon.
je retourne au bateau et me repose enfin.

Aguilas. Je me promène.
Escale surprise. Découverte.


Il y a près de la falaise, un petit chantier naval. Enfin un atelier serait un terme plus adapté. Un grillage pas droit. 25 chats sauvages perchés sur de vieilles épaves et autres morceaux de tôle rouillée. Quelques tags bleus sur un mur en béton brut. L'endroit a le charme de l'authentique.

Et au milieu de ce désordre certainement organisé des chantiers, un "truc" attire mon regard.


Un truc sur tréteaux. On dirait un petit bateau, une petite coque en tout cas.
Il est tout petit et à une forme bien particulière.
Je m'approche tant que je peux.
Il a la forme de.. de... de TaraTari!!!!!!

mini TaraTari ??
Je cherche..  personne dans le coin.... je fais trois fois le tour de l'atelier, contourne le grillage pas droit, demande aux 25 chats sauvages perchés sur de vieilles épaves et autres morceaux de tôle rouillée. Non, personne, pas un chat pour me renseigner. Quelle est cette petite coque qui, a quelques détails près, ressemble comme trois gouttes d'eau salée à TaraTari? ça m'intrigue.

Le trésor d'Aguilas restera une énigme.
Mystère et boule de gomme.

De retour au village, la fatigue et le froid me font trembler.
La tempête, le froid et ce soleil qui ne réchauffe rien du tout. je me sens fatiguée et j'ai mal partout.
Je vais essayer de trouver un petit 'hostal' pour passer une nuit au chaud.
Il n'y a qu'un petit hôtel ouvert.


"Hotel Madrid".
Tiens, c'est marrant. ce n'est pas raccord.
j'aurais imaginé "Hotel California" plutôt.

A Aguilas.... Aigles... Eagles... Hotel California...
Nan? Toujours pas?
Bon allez, ok ma "boutade" pourrie et moi, on va se coucher.

En musique mais pas de panique ce n'est pas moi qui chante
Aguilas... such a lovely place...
mais en ce qui concerne l'inventeur de la pendille, l'inventeur de l'eau chaude, en ce qui concerne le pourquoi du comment de cette étrange petite maquette, ou encore la raison pour laquelle l'hotel d'Aguilas s'appelle Madrid et non pas California, le mystère reste entier. Et la boule de gomme aussi.
L'enquête est ouverte. et pour de vrai, je vais me coucher maintenant.

Capucine