vendredi 28 octobre 2011

Qui voit Groix, voit sa joie

Lundi 17 Octobre 2011.  Le bel adage. C'est décidé, nous allons naviguer jusqu'à l'île de Groix, située à 3 milles nautiques de Lorient, afin d'aller fêter encore et entre nous, la récente mise à l'eau et le baptême de Tara Tari. Un coup d'oeil aux marées, parfait, nous quitterons Lorient vers midi, ce qui nous laissera du temps sur l'eau avant d'arriver à Groix, où nous passerons la nuit.

Ce matin, il faut encore bricoler un peu. Petit tour au chantier afin de préparer les "nouvelles" barres de flèche. La journée commence donc bien car je prends un malin plaisir à scier et adapter mes béquilles à leur nouvelle fonction et cette petite revanche m'amuse.

Les béquilles de flèche sont à poste. Nous hissons les voiles et quittons la base des sous-marins. Cap vers l'île de Groix.
Petite île (8km de long - 3km de large) encore assez sauvage, Groix a été le 1er port français d'armement au thon blanc pendant 70 ans, entre 1870 et 1940. A l'époque, il y avait de grandes conserveries puisque 300 thoniers (soit 3/4 de la flotille française en 1914) débarquaient leur pêche sur l'île. Les guerres ont fait fermer les cinq conserveries et depuis, les marins groisillons embarquent sur des bateaux lorientais. 
Le vent est bon, et Tara Tari heureux de naviguer. Tout se passe bien, nous progressons par la passe Ouest et je suis bien contente de ces premiers bords à la barre. Nous sommes à hauteur des courreaux de Groix, quand Corentin me demande de lui passer un gros bout rouge. A l'intérieur du bateau, je le vois prendre un bidon d'eau de 20l vide et nouer autour de la poignée le bout encore lové. Mais que fait-il? Pas vraiment le temps de lui poser la question. Il sort la tête du bateau, jette le bidon et crie "Un homme à la mer!". Nous sourions. Oulala! Interro' surprise! Pas de panique. "Tiens bon, le bidon, j'arrive!" Et hop je manoeuvre et récupère le bidon et le bout qui - ouf- n'avait pas eu le temps de se noyer.
Le bidon à bord, je demande à Corentin de barrer, le temps d'aller dire aux autres de bidons de bien se tenir afin d'éviter, à l'avenir, un tel incident. 

Nous reprenons notre cap.

Tara Tari est une bête de près. Enfin presque. Bien lancé et bien réglé, le bateau avance tout seul. La navigation est vraiment agréable. Nous avons une bonne vitesse. Et alors que nous profitons en terrasse (située à avant du bateau) nous nous amusons de voir Tara Tari se débrouiller tout seul.

L'entrée du port est relativement étroite et nous arrivons à la voile. Corentin est à l'avant, barre, et je m'occupe des écoutes depuis le cockpit. La manoeuvre se passe bien et en quelques minutes, nous sommes amarrés. Quelques plaisanciers viennent nous accueillir, saluent Tara Tari qu'ils reconnaissent.

Tara Tari à Groix, le 17 Octobre 2011.

Bateaux de pêches et de plaisance restent amarrés à Port Tudy. Ce petit port est vraiment joli. Et puis c'est sympa pour Tara Tari voilier de pêche du Bangladesh, de rencontrer de lointains cousins, caseyeurs à Groix. Des petits bateaux beaux comme des jouets en bois.


Les voiles sont affalées et nous rangeons le bateau, ouvrons une bouteille de cidre et grignotons quelques amandes. Nous sommes là pour fêter "ça" alors assez vite nous allons à quai, remontons la rue. Ti Beudeff, nous voilà.
Ti Beudeff est un bistrot mythique crée en 1972 par Alain Stephant dit Beudeff. Depuis  2007, c'est sa fille Morgann qui a repris le flambeau. L'endroit a gardé son âme. Lieu de rencontre entre les équipages des bateaux de passage, il faut généralement relire son répertoire de chants marins avant de venir. La bière, les chants et la convivialité... Ti Beudeff était l'endroit parfait pour venir fêter dignement l'aventure. Ti Beudeff, un lundi soir d'Octobre, c'est encore autre chose. De plus confidentiel peut-être. Mais finalement, pour les solitaires que nous sommes, être là, dans ce bistrot presque vide, sur une petite île peu habitée, c'est parfait. Sur le comptoir, une affiche "Fête de la soupe insulaire". Nous prendrons deux bières.
Un verre, deux verres et nous prenons le couteau du bateau pour graver dans le bois de Ti Beudeff, les lettres de notre passage. Tara Tari, quatre lettres chacun, et un petit verre de rhum.


Et puis il y a eu cette rencontre avec un Groisillon, peintre de maisons. Il nous donne son avis, pense que vivre sur une île est une planque, que la réalité de la vie, c'est de prendre le RER et de vivre dans des boîtes de sardines en banlieue parisienne, mais qu'il n'en a pas le courage. Nous, on se dit qu'il a bien fait de s'installer ici. Il y a plus de hauteur sous plafond dans une boîte de thon. Sur cette île encore épargnée du toursime de masse, quelques hommes et femmes vivent en tentant de protéger leur terre et une qualité de vie un peu plus rude, mais plus pure que sur le continent. En vivant sur l'île, il fait le choix de sortir du troupeau. Il faut des personnes qui sortent du troupeau. Il faut des mains libres pour ouvrir les conserves. Nous allons tous les trois au bateau et lui présentons Tara Tari. "Vous êtes fous" nous dit-il en repartant, "mais je me souviendrai de notre discussion les amis, bonne nuit!"

La nuit est froide et le vent s'est levé. Nous nous réveillons tôt. Il est 7h du matin et alors que nous prenons un ris pour anticiper la brise, d'autres plaisanciers viennent nous saluer. Tara Tari est une petite star, tout le monde le reconnaît. Une chance qu'un voilier ne signe pas encore d'autographe, ça n'en finirait plus. Pieds nus sur la jetée, nous observons la mer en croquant un carré de chocolat. L'air frais sent bon. Passage à la capitainerie: "Longueur du bateau s'il vous plaît?" "9 mètres... mais seulement 6,50 à la flotaison", "Ah? c'est le petit bateau en forme de banane, là?", "oui, c'est ça", "drôle de bateau... je vais faire un petit geste". Ticket allégé: "Merci monsieur! Bonne journée!".

Nous quittons Port Tudy dans la brise. Le bateau est vraiment agréable à barrer et nous prenons encore beaucoup de plaisir dans ce retour express vers Lorient. 1h30 seulement pour traverser, de quoi faire rougir le gros courrier blanc de Groix.
Tara Tari file vite et bien.


"Qui voit Groix, voit sa joie".
L'adage dit vrai.

kenavo,
Capucine

mercredi 26 octobre 2011

Baptême à la noix de coco

Dimanche 16 Octobre. Le ciel est bleu, le soleil brille et la journée s'annonce vraiment belle. Et ça tombe bien parce qu'aujourd'hui, c'est le jour du baptême de Tara Tari!
Petit événement symbolique, un baptême de bateau est un rituel marin important avant tout départ de longue durée. Habituellement, on casse une bouteille de champagne sur l'étrave du voilier, mais pour Tara Tari, pas de champagne, ce sera au lait d'une noix de coco! Corentin a accepté d'être le parrain de mon aventure et du bateau. Lien logique, son soutien est nécessaire pour la réussite de cette traversée, indispensable même.

Il est 11h30, et quelques amis arrivent pour nous aider à préparer le petit buffet. Pas de table, nous demandons au restaurant Quai Ouest qui nous en prête une, quant à la nappe nous prenons de la toile de jute (évidemment) et disposons les quelques bouteilles de cidre et autres terrines et biscuits salés. Peu à peu, le ponton se remplit. Voir ces visages amis venus pour accompagner ce moment symbolique fait chaud au coeur.  François Robert, Olivier, Jeremy, Stéphane, amis du chantier FR Nautisme sont là, famille, et amis comme Tanguy de Lamotte, Samantha Davies et Romain Attanasio venus avec leur petit bébé qui fait son premier tour sur un ponton, Emmanuel Poisson-Quinton, Gaia Coretti, Aurel Jacob, Maxime Dreno, Laurent Bourgues et Sarah Philippe etc. Au total, une quarantaine de personnes est présente. Le réalisateur Pierre Marcel est là lui aussi, filme l'événement. Il est midi et nous nous lançons pour quelques mots.


Je n'avais pas vraiment préparé mon texte, mais en gros voilà ce que j'ai voulu dire:
" Aujourd'hui est un jour plein de symboles. J'étais blessée et le bateau affaibli, et nous avons passé un petit moment en chantier et voilà, trois mois plus tard, le bateau est à l'eau et moi je suis debout. Thérapie réussie grâce à l'aide précieuse de François Robert, d'Olivier Blin et de Jeremy, au chantier. Le bateau a été mis à l'eau hier, et c'est une nouvelle étape qui commence. Le projet est de partir de là où est arrivé Corentin pour ensuite tenter de traverser l'Atlantique, en solitaire à bord de Tara Tari. En allant au bout de son aventure, Corentin a prouvé deux choses: que la fibre de jute tient bon et aussi que la philosophie de navigation qui souffle dans les voiles de ce petit voilier a encore une place dans nos vies. Une philosophie de vie respectueuse de valeurs simples et pures, telles que celles portées avant par Bernard Moitessier. Aujourd'hui, Corentin se concentre sur ses recherches sur la fibre de jute, et il me semble important de continuer à faire vivre ce petit bateau, dans le même esprit. En partant de la Ciotat, de là où est arrivé Corentin, je procèderai ensuite par étapes, pour tenter d'arriver à Miami, aux Etats-Unis, où nous souhaiterions pouvoir parler des recherches sur la fibre de jute. Ce baptême à Lorient, capitale de la course au large et de la technologie océanique me fait un peu sourire, car Tara Tari fait de récup', de matériaux naturels, de rouille et de beaucoup d'entre-aide, se retrouve sur le même ponton que les trimarans dernière génération MOD70. Tout est là. Il faut de tout, il ne faut pas oublier qu'avec peu de choses, on peut arriver à quelque chose d'important. A commencer par rêver. Pas de gadget, pas de superflu, Tara Tari va à l'essentiel. Corentin a commencé quelque chose, et Tara Tari doit continuer, doit naviguer... "

Et puis Corentin a aussi dit quelques mots, content de voir le bateau en état, content que Tara Tari reparte pour de nouvelles aventures, et toujours dans le même esprit. Un jour Corentin m'a envoyé un mail du Bangladesh dans lequel il me disait : " il faut continuer à diffuser l'esprit qui souffle dans les voiles de TaraTari! Il faut continuer le boulot des Moitessier, réveiller des rêves, faire naviguer l'homme de la rue, lui montrer que l'horizon est beaucoup plus bas et plus loin que le haut des immeubles de son quartier."

Et nous sommes montés à bord. Corentin a ouvert la noix de coco sur l'étrave du bateau et nous avons chacun pris une moitié. Quelques sourires et hop, nous avons jeté ces petites coques de coco à l'eau, comme pour confier à la mer l'aventure à venir. Instant heureux.


Et le biniou et la cornemuse des deux amis, membres du Bagad de Kemperlé, ont retenti sous le soleil de Lorient. Leur présence est un clin d'oeil bien sympathique; le bagad fait ses répétitions dans un local situé de l'autre côté du mur du chantier FR Nautisme où Tara Tari s'est réparé... Ils ont accompagné la remise en forme et sonnaient en ce dimanche, le début d'une belle histoire.


Le temps de partager un peu avec les personnes présentes, et puis le vent s'est un peu levé. Je monte sur le bateau, Corentin est sur le ponton, tient l'amarre dans ses mains. Pierre Marcel, caméra à l'oeil, filme la scène. Corentin largue l'amarre que je récupère, émue. Et je pars.

Je suis seule à bord pour la première fois. Petite émotion. Je me souviendrais longtemps de ce regard un peu intimidé vers le ponton qui devenait de plus en plus petit, avec Corentin debout entrain de nous regarder partir avec Tara Tari.


Pierre et Corentin montent à bord du zodiac mené par Maxime et me rejoignent. C'est aussi la première fois que Corentin voit son bateau partir sans lui. Beaucoup de symboles aujourd'hui. Il monte à bord, Pierre fait quelques images d'exterieur et monte à bord à son tour, il nous filme encore avant de remonter sur le zodiac pour rentrer au port.

Nous sommes devant la citadelle, tous les deux à bord avec notre émotion commune. Une bouteille de cidre que l'on ouvre, peu de mots mais un grand partage. Nous rentrons vers la Cité de la Voile, heureux, vraiment heureux de cette belle journée.

Mise à l'eau à Lo

Samedi 15 Octobre, il est 8h du matin et avec Corentin, nous sommes à Lorient, prêts pour la mise à l'eau de Tara Tari. La nuit commence à s'éclaircir, l'humidité et l'air frais du matin piquent un peu les joues. A moins que ce ne soit l'émotion. La dernière fois que le bateau était à l'eau, c'était en juin, lors de la Semaine du Golfe. Tout est calme ce matin. Stéphane et Sylvie, qui retapaient leur bateau à côté de moi au chantier sont là, ils nous ont apporté des pains au chocolat, et prennent quelques photos. La manutention va pouvoir commencer. Mais Corentin est dans le bateau, s'empresse de fixer le presse étoupe histoire d'éviter au bateau de prendre l'eau trop vite. Nous passons les sangles sous la coque. Un pas en arrière, Tara Tari décolle du sol. Le coeur bat fort. Tara Tari est dans les airs, s'approche de la rive. Corentin et moi tenons l'avant et l'arrière du bateau par des bouts. Instant délicat et un peu émouvant, forcément. La mer est calme, sereine. Tout semble parfait pour la mise à l'eau.

La Cité de la Voile Eric Tabarly nous a gentiment proposé d'amarrer le bateau au pied de sa tour des vents. Tara Tari n'a pas encore touché l'eau, Corentin monte à bord et la grue descend encore un peu. Ça y est. Tara Tari est à l'eau! 

Je ne peux m'empêcher de sourire. Bravo petit voilier! Corentin se sert du bambou pour rejoindre le ponton. La scène est superbe. Je tiens dans ma main un bout qui me relie au bateau, je le lance et file vers le ponton. Je suis tellement contente. 

Avec Corentin, nous avions fait une petite liste de choses à faire pour le bateau pendant la matinée. Mais à peine 5 minutes après la mise à l'eau, nous avons largué les amarres, pressés d'aller naviguer!

Les voiles sont hissées et nous profitons de la brise matinale pour filer. "De la base des sous marins à la citadelle de Port-Louis, juste une petite nav', pour voir". Mais nous étions si heureux de voir Tara Tari sur l'eau que nous passons la citadelle et continuons dans la rade, enchainons quelques virements.
"J'ai mal aux joues!". Sourire un peu idiot, mélange de sentiments joyeux, tout est parfait et Tara Tari est magnifique. L'eau glisse sur sa coque, nous sommes certains que le bateau est heureux de se dégourdir les dérives dans l'eau salée. Corentin est à l'intérieur du bateau, nous sommes à hauteur de la Tourelle des Trois Pierres et je barre. Quand il ressort, Corentin s'étonne de me voir poursuivre vers le large "Ah! Tu ne veux pas rentrer?!" me demande-t-il en souriant. Nous sourions encore, quel bonheur. Mais on doit nous attendre, ce serait bien de rentrer peut-être. Allez, demi-tour, cap vers la Cité de la Voile. Mon téléphone m'indique un message, j'écoute "Capucine, nous savons que le bateau devait être mis à l'eau ce matin, mais nous ne le voyons pas et nous sommes un peu inquiets... rappelle moi". C'est Céline, de la Cité de la Voile. Il est déjà 14h (oups) et je la rappelle: "Désolée Céline, nous n'avons pas pu nous empêcher d'aller faire un petit tour, nous n'avons pas vu l'heure..." Au bout du fil, Céline est amusée, "ça ne m'étonne pas, j'espère que vous profitez bien!"

La mise à l'eau a été un grand moment, cette première petite navigation aussi. Elle nous a permis de vérifier quelques réparations et surtout de savourer le plaisir de revoir Tara Tari sur la mer.

 

dimanche 16 octobre 2011

sortie de chantier

 Aujourd'hui est un grand jour pour moi car il va marquer le début d'une nouvelle aventure. Opérée début janvier, hospitalisée jusqu'en juillet, l'année 2011 a été un peu compliquée. Deux jours après ma sortie de Kerpape, je suis allée accueillir un petit voilier qui était lui aussi un peu affaibli. Ce petit voilier c'est Tara Tari, le premier voilier construit avec un composite à base de fibre de jute. Corentin de Chatelperron, papa du bateau, a navigué du Bangladesh à la France pendant 6 mois. Depuis son arrivée en France en août 2010, le bateau a fait une tournée dans tout le pays pour rencontrer des partenaires pour le projet de recherches que Corentin, qui vit au Bangladesh, mène sur la fibre de jute. En juillet, le bateau est arrivé à Lorient, au chantier FR Nautisme et je me suis lancée dans la rénovation du bateau.

Vider le bateau, piquer la rouille, utiliser scie sauteuse, sableuse, meuleuse, ponceuse, se mettre à la strat pour colmater les fuites, peinture, sika et tout ce qui fait le charme du bricolage d'un bateau ont été au programme des trois derniers mois. Thérapie de groupe pour Tara Tari et moi réussie : nous nous sommes retapés en même temps et nous sommes aujourd'hui en pleine forme.


Corentin est arrivé en France il y a quelques jours, Tara Tari était exposé à la Cité de la Voile Eric Tabarly, à Lorient, à l'occasion de la fête de la Sciences. Nous avons mis le bateau à l'eau hier matin, samedi 15 octobre, et nous sommes aussitôt partis naviguer quelques heures. Vérification des réparations, le constat est bon et le bateau est prêt pour de nouvelles aventures. Quel bonheur de voir l'eau glisser sous la coque de Tara Tari!
Aujourd'hui, dimanche, nous vous donnons rendez-vous à midi au ponton de la Cité de la Voile, pour le baptême du bateau et l'annonce de mon projet. Petit événement simple et convivial. Corentin a accepté d'être le parrain du bateau pour ma tentative de traversée de l'Atlantique à bord de Tara Tari.
Départ prévu le 13 novembre de la Ciotat (là où Corentin était arrivé), en direction du Cap Vert. Et puis une fois que les alizés seront bien établis, cap vers les Antilles et Miami!


A très bientôt,
Capucine