jeudi 24 mai 2012

Cogitation et décision: départ de Gibraltar.

Gibraltar. mois d'avril 2012.

Nous étions en plein chantier, en face du caillou de Gibraltar. Et plus précisément, il me semble que c'était là,


devant de bons petits pulpitos cuisinés pendant qu'il bricolait le moteur, que j'ai parlé à Corentin de mes différentes réflexions quant à la suite de mon aventure.

Pour traverser l'Atlantique, il y a une saison à respecter. Les tempêtes tropicales vont bientôt commencer à s'amuser sur l'océan. Les cyclones tourbillonnent sur l'Atlantique du mois de juin au mois de novembre, ce qui signifie que pendant les 6 prochains mois, il me faudra rester du côté Est de l'océan. Cela fait 6 mois que je vis "TaraTari". Cette vie épurée, en simplicité, m'a fait éplucher au fil du temps mes véritables besoins. Grâce à ce mode de vie, mes dépenses auront été limitées au strict nécessaire: frais de port, outils et autres besoins pour prendre soin de Tara Tari, factures téléphone et nourriture. Mais étant partie sans beaucoup de moyens et malgré la générosité de tous, aujourd'hui, la tirelire est vide. 6 mois de ce côté de l'Atlantique et plus un sou en poche: telles sont les deux données de mes cogitations d'avril. Il me faut trouver un travail, c'est certain; mais je ne veux pas mettre fin à l'aventure et réfléchis donc à la meilleure solution: rester à Gibraltar et travailler ou poursuivre l'aventure et rester un peu ailleurs pour travailler. Ecrire sur les endroits où je me trouve et vendre mes papiers.. ou faire tout autre chose, qu'importe. Ma seule certitude, ma vie de nomade commence vraiment.
*

A la marina, à la Linea, j'ai ensuite parlé de tout cela avec Esteban, un des chefs du port devenu bon ami; il me dit qu'avec l'aide de Sam, kite-surfer français qui a une voilerie là-bas et que j'ai eu l'occasion de rencontrer, il serait assez facile de trouver un petit boulot à Tarifa. Et puis grâce à Ludo, j'ai rencontré le Consul de France de Gibraltar qui m'a proposé une solution rêvée: un travail certainement possible, à Gibraltar dans une société de paris sportifs en ligne. Je n'imaginais pas que les recherches soient si fructueuses, les solutions si rapides. Il aurait été facile d'accepter, mais pourtant, j'ai voulu réfléchir encore. Dans ces tous premiers jours du mois de Mai, j'éprouve le besoin de poursuivre, de partir sur une traversée au large avant de prolonger l'escale.


Le 7 mai. Il fait nuit et je suis seule à bord de Tara Tari. Je regarde le caillou de Gibraltar, éclairé par la pleine lune et je pense. Le vent d'Ouest souffle depuis plus de 5 semaines. Cette nuit, dans le silence, je pense au vent, c'est à dire à l'élément essentiel de mon aventure, et prends une décision: dès que le vent tournera et soufflera de secteur Est, j'en profiterai pour partir.

Le 8 mai. J'ai bien dormi, l'esprit soulagé par la décision enfin prise. Assez tôt, je pars vers le bureau d'Esteban, lui annoncer que je partirai dès que le vent tournera. Nous parlons un peu. A 11h du matin, en ressortant de son bureau, je regarde Tara Tari, esquisse un sourire aux nuages: le drapeau du Bangladesh ficelé au pataras flotte vers l'Ouest. Le vent a tourné. "Tara Tari, mon cher petit bateau, c'est décidé: nous partirons demain".

En marche vers Gibraltar, je pars retrouver Ludo pour le déjeuner. Ludovic est un Français installé à Gibraltar depuis des années. C'est grâce à Sidney (Gavignet) que je l'ai rencontré. Ludo est devenu un vrai marin très jeune, puisqu'il a embarqué et vécu "l'école en bateau". Un jour il s'est posé à Gibraltar, et n'en est plus reparti. Aujourd'hui marié et papa de petits enfants trop mignons, nous avons passé un long moment à parler des aventures en mer et de l'aventure à terre qui consiste à se poser, à construire autre chose, peut-être la plus belle aventure: une famille. C'était une des plus belles discussions, un des meilleurs échanges des six derniers mois. Je tenais donc à voir Ludo avant de larguer les amarres et nous partons déjeuner avec son partenaire de boulot.
- "c'est décidé, je pars demain.." annonce-je devant ma salade.
- "ah! excellente nouvelle! je suis bien content pour toi! s'exclame Ludo avec un grand sourire. Il a l'air vraiment content que je parte. Il poursuit: "Il y a tellement de personnes qui se disent 'je fais une halte à Gibraltar' et qui finalement jamais ne repartent. Si tu restais là quelques mois.... tu aurais fini par faire comme nous, tu resterais ici. C'est génial que tu poursuives ton aventure! Je suis soulagé pour toi."
Ludo a peut-être raison; Gibraltar est un endroit où la vie semble agréable, mais mon aventure m'appelle et c'est plus fort que tout, j'éprouve le besoin de partir et continuer.

Le déjeuner se termine. Ludo me demande :
-"tu es prête à partir ?"
- "plus ou moins: mon frère m'avait offert la carte marine du détroit mais je n'ai pas de cartes pour aller aux Canaries, c'est la mission de mon après-midi." Si je trouve les cartes, plus rien ne m'empêchera de partir dès demain. Mon instinct me dit que je fais bien.

En partant Ludo me donne une adresse, à deux pas de là où nous avons déjeuné. "Tu trouveras peut-être ce qu'il te faut".


*
Revenons à nos pulpitos.
Avec Corentin nous étions arrivés à différentes réflexions et différentes solutions.

- Réflexion n°1: Poursuivre l'aventure signifie s'adapter aux contraintes. Solution > Avancer avec Tara Tari, et trouver ici ou ailleurs un peu de travail. Commence alors ma vie de nomade.

- Réflexion n°2: Faire le choix d'une vie simple est un accès au bonheur et nous voulons tous les deux poursuivre dans cette voie. Solution > nous définissons les principes et lançons notre mouvement. Tara Tari doit continuer à porter ce message.

- Réflexion n°3: Il faut être à l'écoute de son instinct. En mer, c'est ce que l'on appelle le sens marin. Solution > je partirai de Gibraltar quand cela me semblera être la décision évidente. 

- Réflexion annexe: Que je cuisine pendant que Corentin répare le moteur est un effrayant cliché. Solution > le lendemain j'ai passé deux heures les mains dans l'huile de vidange pendant que Coco est allé prendre un café et parler chiffon avec Jeff le mécano anglais.
*

L'aventure continue.
Capucine

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