- "Maxime, je viens de parler avec Gérald (météo Greatcircle): il dit que nous pouvons nous arrêter à Larrache ! héhé plutôt comique comme nom de port, tu ne trouves pas?"
Ça, c'était un peu après le passage du Cap Spartel. L'idée de nous arrêter était apaisante et reposante mais les milles défilent à bonne allure sous la coque de Tara Tari et nous aident à digérer un peu ce que nous nous sommes pris dans la figure dans le détroit et nous décidons de continuer notre route.
A terre, en préparant la nav, j'avais envisagé d'aller assez vite au large, en route directe vers les îles Canaries; d'après les fichiers météo, le vent nous y pousserait assez vite à une force de 15 à 20 noeuds: conditions idéales.
Le 11 mai. Près des côtes du Maroc.
Le soleil est bon, il fait même chaud et nous avançons au portant, les voiles en ciseaux dans un vent agréable. En ce deuxième jour en mer, nous avons enlevé les ris de la grand voile et nos cirés. Installé à l'ombre de la grand voile, Maxime est dans ses pensées.
Maxime |
Gibraltar, c'était un peu violent pour un début de nav'. Maxime est en vacances, il débarquait de l'avion et s'est retrouvé dans un tambour de machine à laver quelques heures seulement après son arrivée. Il ne s'attendait pas à une navigation si usante, Tara Tari n'est pas un bateau confortable et comme il doit reprendre le boulot dans 10 jours, il préfère débarquer avant d'arriver aux Canaries pour rentrer en forme, ce que je comprends tout à fait. C'est une des règles à respecter en mer: naviguer est un plaisir, quand le plaisir s'en va, continuer est une erreur.
Voyons la carte.
Nouvelle route: cap sur Casablanca! |
Le vent mollit tranquillement, mais nous avançons.
Maxime lit l'Alchimiste. Je le vois sourire - jaune.
- "qu'est ce qu'il y a ?"
Il me lit l'extrait:
- "Le berger savait que l'Afrique n'était pas si loin: de Tarifa, il n'avait qu'à traverser le petit détroit en bateau pour arriver sur le continent africain" Maxime se marre "vu comme ça, ça à l'air un peu plus facile que dans la réalité! j'aurais aimé le voir, le petit berger, hier dans le petit détroit!"
La vie du bord se met en place. L'un se repose à l'intérieur, l'autre veille sur le pont; nous prenons nos repas ensemble dehors. On vit avec le soleil, et profitons de ses derniers rayons pour dîner. Les nuits sont beaucoup moins froides que cet hiver, mais elles sont très humides alors j'apprécie toujours autant l'arrivée du soleil, le matin.
Lever de soleil |
à 0,5 nœud de moyenne, l'arrivée à Casablanca semble encore loin. |
sur la route |
lecture matinale |
au large de Mohammedia |
Bientôt à Casablanca |
Le soleil s'est couché et nous avançons péniblement vers les lumières de Casablanca, aux rythmes des prières que nous écoutons de plus en plus clairement.
Casablanca |
au milieu des cargos, en approche de Casablanca |
photo d'équipage devant Casablanca, le 13 mai 2012 |
- "Veuillez épeler le nom de votre navire s'il vous plaît"
- "Tango Alpha Roméo Alpha Tango Alpha Roméo India"
On m'interroge: pavillon du bateau, nombre de personnes à bord, nationalité de l'équipage, longueur et tirant d'eau du navire... tout cela prend un bon moment pour finalement entendre :
- "La marina est fermée, vous ne pouvez pas entrer. Vous devez aller à Mohammedia, à 11 milles nautiques au Nord Est de Casablanca: si vous ne pouvez pas, je trouverai une place dans le port de commerce."
Je regarde Maxime, nous sommes un peu dépités. A la vhf, la voix s'impatiente:
- "Vous pouvez aller à Mohammedia: affirmatif ou négatif?"
- "Affirmatif! Nous allons à Mohammedia."
Et nous voilà repartis à l'opposé de notre route, au Nord Est! Et dire que nous sommes passés devant Mohammedia en début d'après midi! Sans vent, ça va nous prendre la nuit! Nous sommes vraiment déçus mais sans broncher nous poussons la barre et nous éloignons des lumières de Casablanca.
Le 14 mai. Il est environ 10h du matin quand nous arrivons dans le chenal de Mohammedia. Un cargo manoeuvre devant nous, je prends la vhf et contacte le port. Même process qu'à Casa:
- "Veuillez épeler le nom de votre navire s'il vous plaît"
- "Tango Alpha Roméo Alpha Tango Alpha Roméo India"
On me pose exactement les mêmes questions et je réponds avant de demander la position exacte de la marina. On me répond de manière peu chaleureuse:
- "N'entrez pas! Nous sommes occupés: un cargo manoeuvre et vous devez le laisser faire. Attendez nos instructions; je répète: n'approchez pas."
Ça commence à bien faire. Cela fait bientôt vingt minutes que nous tournons devant l'entrée du port et toujours pas de nouvelle. Le vent se met à souffler et je n'ai qu'une envie: repartir vers le large. Maxime est au téléphone, raccroche et me dit: "bon bah je n'ai plus de contraintes de boulot..."
On se regarde et nous sommes donc d'accord: Cap vers le large! Nous repartons vers les Canaries!
Escale impossible au Maroc: cap sur les Canaries! |
Dans cette histoire, nous avons fait un aller retour d'une trentaine de milles pour rien. Nous repassons un peu au large de Casablanca. Avant d'être trop loin des côtes, j'utilise le dernier souffle de batterie de mon téléphone pour prévenir mes parents: "Bonjour maman! Tout va bien! Nous avons essayé de nous arrêter au Maroc mais faisons désormais route vers les Canaries; ça va être assez long, tout va bien ne t'inquiète pas. Je ne pourrai plus donner de nouvelles avant l'arrivée!" Maman me demande si nous avons assez d'eau et je la rassure, j'avais prévu large. La conversation ne dure qu'une minute. Maxime prévient aussi ses parents et nous voilà en route vers le large.
Bientôt 5 jours en mer et nous avons encore plus de 450 milles à parcourir avant d'arriver dans l'archipel des Canaries. Le moral est bon à bord: cette nouvelle décision et le vent revenu revigorent nos ailes oranges.
Capucine
Excellent ce changement de programme!
RépondreSupprimerSi tu cherches un coéquipier apres les Canaries, dit moi, j'en ai marre de naviguer en Bretagne ;-)
Allez bon vent !
Bonjour, bravo et merci pour le journal de bord, c'est super intéressant, on s'y croirait. Vous avez le grand bonjour des Navigateurs du Bassin d'Arcachon. Bonne continuation.
RépondreSupprimer