départ de Marseille le mardi 22 novembre 2011 |
Le Golfe du Lion. Rien qu'au nom, on comprend que l'on n'est pas là pour rigoler. La comparaison avec l'animal ne date pas d'hier. A l'époque où l'on parlait latin on l'appelait déjà Mare Leonis. Cette comparaison est due au fait que cette partie de la mer est aussi dangereuse qu'un lion, car elle connaît des vents violents et soudains qui menacent les bateaux. Je n'invente rien, c'est ce que l'on peut lire dans le dictionnaire français de noms de lieux de Deroy et Mulon ou encore dans l'Encyclopédie française de Diderot et Alembert. C'est dire!
Tout le monde m'a mis en garde sur cette partie de mer "Ne cherche pas à le traverser même si tu penses que c'est bon". N'ayant jamais dompté de fauves, je ne vais pas commencer maintenant. Voici la route prévue et parcourue à bord de Tara Tari :
de Marseille à Bacelone, attention au Golfe du Lion |
L'eau est plus chaude que la terre, alors à l'heure où les terriens dorment, une brise nocturne s'installe. Une autre habitude du coin, je prends note de ces phénomènes, bons repères pour les jours de mer à venir. La brise, en digne gardienne de nuit, a le mérite de nous faire parcourir des milles sans trop de difficulté. Nous fonctionnons pas quart de deux heures. Il est 3h du matin quand je viens relayer Maxime, le bateau est un peu trop sur la tranche à mon goût et je prends un ris dans la grand voile. Prendre un ris, c'est à dire réduire un peu la toile, permet de gagner un peu en stabilité sans pour autant perdre en vitesse. Tout va bien à bord. La Camargue est bien sombre, sans pollution lumineuse dans cette nuit noire. L'obscurité est un bon moyen de jauger la présence humaine sur ces morceaux de nature sauvage. La lune se lève timidement, montre un petit croissant tout fin vers 4h du matin. 4h du matin, déjà. La nuit se passe bien, se passe vite. Le vent soutenu a porté Tara Tari vers le 270° à bonne allure.. au petit matin, nous avons déjà parcouru près de 70 milles! Excellent! Bravo petit bateau!
Le soleil levé commence à me réchauffer, le ris libéré, Tara Tari avance doucement et ce matin, la barre dans une main, je tourne, de l'autre, les pages d'un bon petit livre. Et je savoure ce temps en mer.
Nous sommes en Med, et comme la légende n'en est pas une, le vent passe du tout au rien. Il est 9h du matin et le vent tombe. Mais tombe vraiment. Genre même pas un petit soupir de rien du tout. La mer s'est endormie. Lisse, elle s'efface au profit du grand ciel bleu qui se reflète en surface. Jeunesse de la journée, pas une ride sur l'eau. Tara Tari est là, se tient sagement sur ses dérives et ne bouge plus. A trois milles de Sète, c'est la pause. Les heures passent, pas la pétole.
La pétole. Autre concept artistique maritime. La pétole, c'est le mot que l'on donne à l'absence totale de vent... Et l'absence de vent, à bord d'un bateau à voile, c'est assez éprouvant. Les voiles sont lasses. Le bateau tourne en rond, au gré d'on ne sait quoi. Parfois il vaut mieux affaler, attendre que ça passe. Ne pas relever que l'étrave pointe vers la direction opposée. Parfois aussi, certains allument le moteur pour se dépatouiller de cette glue naturelle. Le moteur. Sujet encore un peu tabou à bord. (je n'arrive toujours pas à le démarrer..) Aux grands maux, grands moyens: Et si je sortais les rames offertes par les gars du port de Marseille?! Allez, j'essaie.
Maxime se réveille d'une sieste, rigole, prend l'autre rame et aussi le GPS portable, pour voir si notre vitesse augmente. Yes! ça marche. 1 noeud indique le GPS complaisant, l'étrave vers l'Ouest, nous sommes à fond. En tout cas nous l'étions, au début.
panne de vent au large de Sète |
La nuit arrive et normalement, si tout est logique, elle devrait avoir le vent pour compagnon de virée nocturne. Mais la lumière est éteinte et toujours pas de vent. Tour d'horizon. Quelle étrange ambiance. Le ciel, marron foncé, est au loin, tout noir. L'eau est toujours aussi lisse. Il n'y a pas un bruit, et une petite brume fait de ce décor, le cadre parfait d'un tournage de film de pirates. Il se passe quelque chose. Quelque chose de menaçant. Rien qui ne m'inspire l'envie de chanter encore. Même pas peur mais bon, le calme est trop calme. Je décide d'envoyer un petit message à Gérald lui expliquant la situation. Gérald me répond aussitôt... "le vent va se lever. Force 7". Ok, merci de l'info, "je file me mettre à l'abri à Sète alors". Le vent est revenu, et nous enchainons les virements pour entrer au port. Mais un nouveau petit message de Gérald arrive "si tu es vraiment devant Sète alors c'est bon, ça bastonne un peu plus au sud, tu devrais pouvoir passer". Je réfléchis, lis le message à Maxime. "C'est trop bête de s'arrêter à Sète, je suis d'avis de continuer, en restant près de la côte, on pourra toujours aller s'abriter plus loin, au Cap d'Agde ou à Valras Plage" Maxime est ok. "Alors on continue!" je suis ravie et préviens aussitôt Gérald. Et c'est ainsi que nous poursuivons notre route. Le vent est fort, la mer courte et croisée mais la navigation est cependant tout à fait praticable. Un ris dans la GV et Tara Tari prend sa revanche sur la journée passée à l'arrêt.
Nuit et jour, on file au portant jusqu'au moment où il a fallu mettre le clignotant à gauche, vers le Sud, car à force d'aller vers l'Ouest, Tara Tari est arrivé aux pieds des Pyrénées. C'est super de voir ainsi, les montagnes enneigées.
dessert paradoxal au pied des Pyrénées |
Le Cap Creus est le premier passage un peu chaud de mon périple. Il s'agit du point le plus à l'Est de la péninsule ibérique. Promontoire abrupt et rocheux de 672 m d'altitude, le Cap Creus a inspiré le peintre Salvador Dali de l'un de ses tableaux, « Le Spectre du sex-appeal » (1934), mais n'inspire en revanche toujours pas les marins, qui redoutent les grosses vagues et le vent fort qui caractérisent le passage du dit Cap. "Creus" signifie Croix en Catalan, ça a peut-être un rapport.
Nous passons Creus de nuit, alors je n'aurais vu de lui qu'une silhouette de roches et le feu de son phare qui se trouve à plus de 87 m d'altitude, et dont la lumière peut être perçue à une distance de 34 milles. Par chance, les conditions sont bonnes, et nous passons sans difficulté ce passage clé. Quelques empannages et hop, le cap est passé. Tara Tari glisse désormais au portant le long des côtes espagnoles. Le soleil se lève, la Costa Brava est superbe. Le bonheur.
Tara Tari arrive en Espagne |
Le pavillon "R" Roméo signifie, seul, "Reçu" ou encore "j'ai reçu votre dernier message" |
un peu de couture |
et voilà! |
Après 3 jours de mer, il ne reste plus que quelques milles pour arriver à Barcelona. C'est une belle étape de faite. Comme quoi, il ne faut pas tenter l'impossible. Ne pas provoquer le Lion, le caresser, dans le sens du poil et passer ainsi sans péril. En l'abordant ainsi, le Golfe du Lion aura eu des airs de Lionceau. De ceux qui vous chante "Akunamatata... tu vivras ta vie, sans aucun souci...."
Encore 2 jours le long de la Catalogne, pour une ETA samedi. Tout va bien à bord, l'ambiance est au top et Tara Tari n'a pas un petit bobo à soigner!
A très vite pour la suite du récit!
Capucine
J'ai cinq fois le cap Creus et à chaque fois c'était par un temps splendide. la dernière fois c'était comme toi de nuit et j'avais pris 10 milles de marge au cas ou... J'ai regretter car de jour et pas temps calme l'endroit est magnifique.
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