samedi 19 novembre 2011

C'est parti! La Ciotat - Marseille

Jeudi 17 novembre. La Ciotat. Il est 6h du matin, le réveil sonne et n'a pas tout à fait la même tonalité que les autres jours. Peut-être parce que aujourd'hui, c'est le départ. Le bateau doit être mis à l'eau à 8h et il faudra partir dans la foulée. J'imaginais qu'un matin de départ en mer, l'émotion pouvait prendre le pouvoir au gouvernement de l'Etat d'âme. Mais non. En fait, le matin du départ, je n'ai fait que penser à être efficace et faire les choses méthodiquement pour que tout se passe bien; c'est à dire gérer les clefs de l'appart de Cécile & Rémi qui ne sont pas là, passer à la capitainerie, manger un petit pain au chocolat, ranger tout le "chantier" (pot d'antirouille, kit de strat, pot de peinture, outils, perçeuse...) dans le coffre du camion de Maxime. Tiens, un parapluie dans la poubelle de la zone de carénage, je l'embarque, ça me servira de parasol, parfait. Alors qu'il y a encore quelques bricoles à faire, je m'écarte une petite minute, grimpe sur les blocs de pierre de la digue. Quel tableau. Le soleil se lève au dessus de là où arrivait Corentin. Le ciel est bleu et pur. Et la mer, quelle est belle cette mer aujourd'hui accueillante. Conversation secrète avec la Méditerranée. J'ai le sourire, je respire profondément. Je me sens bien et j'ai hâte d'aller naviguer!

Beau temps belle mer. jeudi 17 novembre 2011, jour du départ
Il est 8h, tout est prêt et ok, je suis à côté du bateau, prête pour la mise à l'eau. MAIS j'oubliais : nous sommes dans le Sud. Et hier, quand la petite dame de la capitainerie m'a dit "attention soyez à l'heure: à 8h précises on met le bateau à l'eau!" avec un "sinon je vais me fâcher très fort" sous entendu que j'ai pourtant bien entendu - et bien, en fait, cela voulait dire "on met le bateau à l'eau dans la matinée - après un petit café ". C'est le sud ici, les cigales chantent tout l'été alors le 17 novembre, forcément on y va tranquilou. Ce matin, il fait super beau et à 10h, le bateau qui se trouve sur la zone de carénage, est donc mis à l'eau deux mètres plus loin.... dans le bassin des Capucins !

Départ du port de La Ciotat
Rigolo. 'Bassin des Capucins', on se demande ce qui viennent faire là, ces capucins, pour avoir un quai et un bassin à leur nom dans le port de la Ciotat!? Un capucin est un petit singe, étrange tout ça. "C'est un signe!" m'explique Corentin à qui je raconte par téléphone l'amusante découverte. Singe ou signe, prédestination ou pas, maintenant il va falloir y aller. La manut' se passe bien, quelques personnes assistent à la mise à l'eau. Je pensais partir le 13, mais en lot de consolation, je largue les amarres à 13h.

Il n'y a plus personne sur le quai et cela me va très bien. je suis contente, tout simplement contente. Pas d'euphorie, pas de stress, je ressens un bonheur profond mais sans émotion démesurée. ça y est c'est parti. Pieds nus sur le bitume je pousse le bateau joyeusement et m'installe près de la barre. Tout semble si naturel, qu'il n'y a pas de question à se poser. Les voiles sont hissées et le bateau prend un peu de vitesse..."A l'aventure, Tara Tari!"
sortie du port, entrée dans l'aventure maritime
 

Bon temps belle mer. Enfin pétole et mer calme. Et quand il y a un filet d'air, c'est dans le nez. Il y a une vingtaine de milles nautiques entre La Ciotat et Marseille, j'espère faire un meilleur temps que lors de mon Concarneau Lorient. L'idée est de passer entre l'île verte et le Bec de l'Aigle et de progresser ensuite le long des calanques, jusqu'à Marseille. Maxime est à bord pour cette première petite étape. Il nous faudra mille ans (façon de parler) pour arriver à nous extirper de la baie de La Ciotat et passer l'île Verte. Et le soleil éclaire désormais la route qui me mènera vers l'Ouest.

Passer entre l'île verte et le Cap de l'Aigle
Quelques virements de bords plus tard. Nous arrivons enfin à l'île verte après 5h de pétole. Je n'ai pas d'instrument, mais il n'y a pas 5 noeuds de vent.

bord vers l'île Verte
L'ïle verte. Il y a en plein des "vertes", au moins 7 îles portent ce nom en France. Une dans l'archipel de Bréhat, une autre au sud de Trégunc en Bretagne mais celle-ci est la seule de Méditerranée. Elle est inhabitée et sa surface est d'environ 13 hectares. Elle mesure 430m de long et 260m de largeur (toujours avoir un mètre dans son sac à main). Cette jolie petite île porte bien son nom car sa végétation dense est une richesse; c'est la seule île boisée du département des Bouches du Rhône. Quand je vois cette île verte.... je pense forcément un peu au Cap Vert. tout cela va être magique!

Les lumières dorées sur la pointe rocailleuse de l'île verte, le passage au pied des falaises du Bec de l'Aigle, et Tara Tari devant les calanques! quel spectacle! On ne va pas vite (du tout) mais tant pis!

pointe ouest de l'île verte

bord vers le Bec de l'Aigle

Le Cap Canaille se dresse alors devant l'étrave de Tara Tari. Ce cap est, après Slieve League en Irlande, l'une des plus hautes falaises maritimes d'Europe et est la plus haute falaise de France, plus haute encore que les falaises d'Etretat. La Grande Tête du Cap Canaille est haute de 399 mètres au-dessus du niveau de la mer. Bien que la lumière de la fin du jour éclairait de manière un peu rouge cette belle falaise, la roche est par nature un peu rougeâtre, car elle est composée de calcaires détritiques.
 Cap Canaille
J'oublie vite la ville, les pots d'échappements, la foule et le bruit. Il n'y a rien ici. Seulement le petit chant de l'eau qui glisse sur la coque, quelques pêcheurs au pied des falaises avec leurs barques que l'on appelle des pointus, et voilà. Il n'y a rien que ça, et c'est immense. L'eau si plate semble bien agitée vers l'avant tribord, je regarde mieux, un grand banc de poissons à la surface, sautille et se tortille. je tourne la tête vers les petites barques des pêcheurs "faites attention les poissons, un peu de discrétion ou vous allez finir dans une assiette! Ils vous cherchent!". J'apprends un peu plus tard que ces petits poissons sont des sardines! Des sardines en liberté! heureuses petites bêtes qui ne naissent pas toutes dans des boites. Et Tara Tari continue son doux départ. Quel décor, je découvre les Calanques.

...
Tout est très calme. Le soleil s'est couché, et nous allons bientôt longer les Calanques avec les dernières lumières du jour. C'est le moment parfait pour fêter le départ! Je me glisse dans le bateau, dans la caisse à outils en bois, il reste une bouteille de cidre du baptême, parfait. Un peu de mimolette et de pain frais, nickel. J'ouvre la bouteille avec un peu d'euphorie car je réalise que ça y est, je pars. Le bouchon saute. Avant tout, je verse un peu d'eau à la mer "parce que c'est elle la plus forte, c'est elle qui décide" dis-je à voix haute, et puis je regarde vers le ciel avec la bouteille, pour demander aux vents d'être un peu cléments avec moi, et vient le tour de Tara Tari, une petite goutte sur le pont et une petite tape amicale tout en prenant à mon tour une gorgée, "c'est parti!" 

cidre breton devant les calanques, rencontre de deux régions
Et la nuit arrive. Il faut s'y préparer. Cirés, bottes, frontales, lampe étanche, inspection du gréement et de tout et c'est bon la nuit, tu peux éteindre la lumière. Nous sommes deux, et décidons de fonctionner par quart de deux heures. Le vent est instable ou plutôt indécis, oscille tant en force qu'en direction. Près, grand largue puis re près et serré cette fois.. un vrai cocktail d'allures! On s'adapte. ça permet de manœuvrer un peu et de régler les voiles, dans ce vent qui passe de 3 à 10 noeuds environ, puis 15 plus tard dans la nuit, grâce à la brise nocturne. 


Il y a 20 milles nautiques entre La Ciotat et Marseille. Je partais sur 10h de mer, mais avec la pétole du départ nous avons finalement mis 15h. Nous avons longé les falaises, et avons laissé l'île Riou à babord (un nom de marin, ça, "Riou") passé le Cap Croisette (bien un truc du Sud, ça, "croisette"!)avant d'entrer dans la rade de Marseille, laissant l'île d'If à babord pour entrer dans le vieux port.

La nuit en mer s'est très bien passée, avec 10 - 15 noeuds, il y a de quoi s'amuser. Malgré la nuit noire, la silouette des Calanques se dessinait grâce à la lumière de la lune et du ciel orangé plus loin, au dessus de Marseille. C'est très impressionnant de voir une côte si sauvage la nuit. Pas une petite loupiotte, rien. Le premier matin du monde. Pas une trace de vie humaine visible. C'est rare. C'est assez grandiose. Je regrettais un peu de passer de nuit devant les Calanques, mais finalement ce passage de nuit est assez fou. Je fais alors le voeu qu'aucun randonneur n'oublie un jour une lampe frontale sur les sentiers, afin qu'en mer, ces falaises restent aussi brutes qu'un bon cidre.

La nuit comme le jour, c'est important de bien observer le décor. Je remarque la lumière orange au dessus de Marseille, les incessants 'va et vient' des avions qui vont et s'en vont de Marseille. cela donne quelques repères. Parfois aussi, cela permet quelques surprises. Alors que je suis de quart, je vérifie sous le vent si tout est bien clair. Tout est clair, pas de bateau. Quelques minutes plus tard, je recommence, vérifie sous le vent. Quand soudain, un feu est là, tout proche! Olala d'où sors-tu voilier-surprise?! Je me concentre, tente de comprendre sa trajectoire, il n'a ni feu vert, ni feu rouge.... C'est bon, j'ai compris. C'est un avion qui fait demi tour, très bas dans le ciel! je souris et reprends mon cap. Cela me fait penser à une anecdote rigolote. C'était il y a deux ans je crois, j'étais en mer avec Philippe Chapel et Jacques Caraës sur le voilier de direction de course de la Solitaire du Figaro, et nous allions de Dingle (Irlande) à Dieppe. J'étais seule sur le pont pour mon quart, et je me souviens avoir bondi, appellant Chacha (Philippe) " Nous sommes en route de collision directe avec un bateau!!!" Chacha a regardé, rigolé de bon coeur en me disant "bon je repars dormir, fais gaffe il y a plein d'autres bateaux dans le ciel!". Selon mes observations nous allions entrer en collision avec une étoile (!). Chacha était redescendu dans sa bannette, mais avant, il avait pris la VHF pour raconter ma crainte sur le canal de course, il n'arrivait plus à arrêter de rire. L'entendre m'a fait bien rigoler aussi, surtout quand en retour, certains figaristes avouaient aussi se bagarrer avec cette étoile d'août qui brille bas sur l'horizon et très fort, et que l'on prend facilement pour un feu de mât. Enfin voilà, quelques souvenirs plus tard, je passe le Cap Croisette.

la lune, que je n'ai jamais pris pour un feu de mât

Le vent est plus soutenu. Tara Tari file vite vers l'île d'If. La côte ressemble à un immense tapis de braise. C'est la première fois que j'arrive à Marseille par la mer... le chateau d'If et les falaises, c'est absolument superbe. Nous approchons de l'entrée du port, je réveille Maxime et lui confie la barre. Je vais joindre la capitainerie du vieux port, annoncer notre arrivée. Pauvre gardien que je vais réveiller à 4h du matin. Assez vite, un homme arrive en zodiac. Gentil comme tout, il nous escorte, et nous permet de passer la nuit devant la capitainerie du vieux port, où nous nous amarrons.

Première escale. Nous rangeons le bateau, ficelons les voiles, et au dodo!
Bonne nuit Tara Tari!

Capucine

1 commentaire:

  1. Top ta façon de nous décrire ton aventure Capucine , on a l'impression d'y participer !
    C'est dire j'ai le rire de Chacha dans les oreilles depuis que j'ai lu ton anecdote sur la Figaro !!!
    Fabrice

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