vendredi 25 janvier 2013

La houle et la mer du vent


En mer. 26-27-28 décembre 2012.

On m'avait prévenue. La houle de l'océan Atlantique pouvait vite devenir problématique, vu le franc bord de TaraTari. Naviguer au large, en Atlantique, avec ce petit bateau n'est pas forcément idéal mais avec mon envie d'avancer et avec aussi beaucoup d'optimisme, je me disais qu'il est possible d'y arriver. Le plus prudemment possible évidemment, en comprenant bien le mécanisme de la houle et surtout en barrant le plus possible pour ne pas trop subir ni se risquer à trop grand danger.

le 26 décembre 2012

La houle est un mouvement ondulatoire de la surface de la mer qui est formé par un champ de vent éloigné de la zone d'observation, soit par un vent lointain. Ce mouvement présente un aspect relativement régulier, une sorte d'onde dont l'amplitude varie lentement. Elle est définie par une période (de l'ordre de la dizaine de secondes), une amplitude et une direction.

période, amplitude et direction caractérisent la houle

Une fois générées dans les tempêtes, les houles de grandes périodes peuvent se propager sur des dizaines de milliers de kilomètres! C'est l'intensité et la taille de la tempête qui va engendrer une houle plus ou moins grosse. Des îles Canaries aux îles du Cap Vert, la houle de secteur Nord qui nous porte vers le Sud vient d'une bonne dépression passée plus haut il y a quelques jours: il s'agit donc d'une houle que l'on appelle "résiduelle" puisqu'elle s'est propagée très loin de la zone de génération. Concrètement en navigation, la houle n'est pas toujours désagréable, elle permet de belles accélérations, de jolis surfs et offre donc de belles sensations à la barre.

En plein surf, le 27 décembre 2012

Le mot houle vient du germanique "hol": creux, ou en ancien scandinave"hol": caverne. Et à la barre, il faut bien aborder l'approche de ces murs de cavernes d'eau, pour ne pas risquer de partir en accélération sur le côté et de coucher le bateau - ce qui est arrivé lors du vrac de la nuit du 25 au 26 décembre quand le pilote automatique barrait. Accompagner la houle, c'est lofer puis abattre au bon moment, c'est faire ce qu'il faut pour rester maître de la trajectoire de TaraTari. Cela implique d'être ultra attentif et concentré.

Le problème problématique :) c'est qu'à la houle s'ajoute un autre phénomène, la "mer du vent". Contrairement à la houle venue de tempêtes lointaines, ce sont des trains de vagues engendrées par un vent local qui constituent la mer du vent. Les deux phénomènes ne viennent pas forcément du même secteur (Nord, Est, Sud, Ouest), et c'est ainsi que nous nous retrouvons souvent brassés dans une houle dite "croisée", pris entre les claques d'eau venant de deux directions différentes. A bord de TaraTari, cette houle croisée représente un grand danger.

La mer du vent peut être très mauvaise si le vent est fort, s'il souffle depuis longtemps et selon l'importance du fetch. En mer le fetch est la distance d'une étendue d'eau au-dessus de laquelle souffle un vent donné sans rencontrer d'obstacle (une côte par exemple) depuis l'endroit où il est créé ou depuis une côte s'il vient de la terre. Le fetch permet de comprendre la hauteur des vagues: plus le fetch est important plus la hauteur des vagues sera grande. À contrario, à l'abri d'une côte (sous le vent d'une côte), la hauteur des vagues sera très faible, même si le vent est très fort car le fetch y est plus petit. Or, ici, nous sommes en plein océan Atlantique dont la superficie est d'environ 100 000 000 km² (selon les sources); il s'agit du deuxième plus grand océan après le Pacifique, alors ici pas de doute, le fetch est important! La surface sur laquelle j'avance en Atlantique n'a donc rien à voir avec l'hiver dernier en mer Méditerranée, mer plus fermée.

le 28 décembre 2012

Des houlographes, montés sur des bouées, indiquent la hauteur des vagues. Mais bon, une même taille de houle n'aura pas le même impact sur la navigation selon la taille du voilier. Sur un bateau au franc bord normal, soit un peu haut sur l'eau, ça aurait certainement été plus maniable. A bord de TaraTari, à fleur d'eau donc, il nous semble lors de cette nav, être parfois être dans les mers du Sud. Grand voile affalée pour freiner un peu les ardeurs de mon brave petit Tara Tari qui enchaîne les surfs, nous avançons vite, à 5- 6 noeuds. Largement suffisant pour le gréement.

Pendant ces trois jours, nous restons donc très concentrés: le vent de secteur E-NE est fort, et la houle croisée nous enquiquine (houle de secteur N et mer du vent de secteur E). Question choix tactiques, l'idée est de rester un peu dans l'Est de la route - car il sera plus facile de faire de l'Ouest que de revenir vers l'Est. Quelques empannages etc, tout va bien même si c'est un peu "sport". Nous sommes toujours trempés, toujours en cirés et toujours un peu gelés, mais nous sommes contents d'avancer vite dans ce contexte un peu.. houleux.

Nous sommes le 28 décembre après-midi et le vent se renforce.
Capucine


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