mercredi 7 mars 2012

Aguilas, mystère et boule de gomme

Aguilas. au port.

Du Cap de Palos au Cap de Gata, faire route directe était une idée qui me plaisait bien. Couper un peu pour réduire la distance et progresser plus vite vers le sud, c'était tentant. Mais tout ne se passe pas comme prévu, il fallait s'y attendre. Dans le vent fort depuis le passage du Cap de Palos, la nav' n'est pas facile voire éprouvante et vers 7h du matin, voyant que le vent ne faiblit pas, je décide de me rapprocher de la côte pour me mettre à l'abri. Cap sur Aguilas, petit port caché dans les falaises, situé pile dans l'Ouest de ma position.


Aguilas, c'est l'arrêt imprévu. Je me dirige désormais vers ce petit point sur la carte qui veut dire "Aigles".  Normal, après avoir dansé le rock dans les vagues, d'aller voir The Eagles.
Aguilas, Aigles, Eagles... Hotel California..
Bon d'accord, elle est un peu nulle ma remarque.
Mais je suis fatiguée. Je me suis pris une tempête dans la figure, là.
Circonstances atténuantes, nan?
En tout cas, penser à ça là, fatiguée et trempée, ça me fait sourire, c'est toujours ça.

Dans le vent fort, travers au vent, je suis super fière de TaraTari qui file direct vers la position du port. ou plutôt en direction de cette avancée de falaise qui protège la petite ville.
En approche, je contacte le port par VHF pour annoncer mon arrivée - à la voile. Mais le port me dit
- "non vous ne pouvez pas entrer, pas de place pour vous ici".
- "Ah bon. Mais vous êtes surs que vous voulez me refuser d'entrer? Il y a beaucoup de vent, là..." ('manquait plus que ça!)
- "Il y a une autre marina, un peu plus au sud, vous verrez, ce n'est pas loin"
- "Je ne la vois pas sur la carte, vous pouvez me donner sa position?"
- "Elle est nouvelle, c'est pour ça. La position? je ne l'ai pas, mais vous verrez le port!"
Ok. bah je vais me débrouiller alors. Merci.

Entrée du port trouvée.
Les jumelles, quelle belle invention.
TaraTari est ainsi amarré à la Marina Juan Montiel.

avec Tara Tari, nous venons tout là-bas-là-bas au loin, pas mal hein?
Juan Montiel n'était ni écrivain ni joueur de foot. Juste riche. Il s'est payé un port à son nom et la moitié de la ville. Après tout, pourquoi pas. Dans cette marina flambant neuve, la réaction des marineros est d'abord "oulala c'est quoi ce bateau?!?!" Après vérification des papiers et de mon passeport dans la capitainerie, je repars vite au bateau. Amarrer TaraTari, parfois, ça relève autant de l'exploit que de naviguer en pleine tempête. En Med', dans les ports ils utilisent un système de pendilles pour amarrer les bateaux. TaraTari n'est pas fait pour ça, et je n'aime pas ça du tout.

La pendille. Il y aurait de quoi écrire un livre entier sur ces fichues pendilles.
Ce système consiste à amarrer le bateau perpendiculairement au quai. La pendille est une amarre qui a pour but de retenir le bateau pour ne pas qu'il tape dans le quai, mais ce n'est pas si simple. Une extrémité de l'amarre est attachée au quai, l'autre, à une grosse chaine ou corps mort au fond de l'eau, à quelques mètres du quai. Il faut donc choper le gros cordage tout marron, plein de vase et de berniques qui coupent les doigts, qui prolonge la chaine et l'amarrer au bateau. Seulement voilà, les bateaux un peu plus normaux ont des taquets ou des étraves plus adaptées que TaraTari. Alors il faut que je fasse revenir le gros cordage tout vaseux et coupant jusqu'aux supports de dérives, points d'attache les plus costauds du bateau. et je dis bien auX dériveS. soit double manip', car si je n'utilise qu'une pendille, TaraTari ne sera pas perpendiculaire au quai et risquerait de foncer dans le ciment du quai.

Heureusement, le port est vide, on ne me dira rien si j'en utilise 2. Pas fastoche de nouer ces énormes cordages aux supports de dérives. En général, on les bloque dans des taquets. Et je n'en n'ai pas, de taquets. Et je suis fatiguée. Un tour mort et deux demi-clefs. ça tient. mais je n'ai plus de bras. Et j'ai les mains écorchées par ces grosses cordes toutes vaseuses. Et je ne sais pas trop comment descendre de là, maintenant. Soupir. Si je rencontre celui qui a inventé la pendille, rappelez moi de ne pas le remercier. Une fois à terre, j'assure l'amarrage au quai, grâce à un bout que je fais revenir des deux côtés de la cadène d'étai. Tout ça me prend facile vingt minutes mais TaraTari est nickel, là. Plus facile de garer une trotinnette, je suis sure. pfiou. c'est bon, je peux arrêter de râler. Fichue Méditerranée. 

La pendille: concept méditerranéen que je ne suis pas certaine d'AdOrer.
Un peu de repos.
Mais je suis gelée et trempée. Le repos sera pour plus tard. j'ai froid, tellement froid.
Une douche à la capitainerie, ça va me faire du bien.

Pieds nus sur le carrelage frigorifié, je tremble, grelotte.
Je m'avance pour appuyer sur le gros bouton de la douche.
C'est toujours l'angoisse: l'eau sera-t-elle chaude?
Un jet glacé tombe du pommeau suspendu.
AAAARGGGHHHH. C'est froid. :(
J'essaie d'éviter l'eau gelée sans toucher non plus le mur en carrelage encore plus froid. j'appuie une deuxième fois sur le bouton que je tourne vers le rouge. rien ne bouge. c'est gelé. :(
Une main pour vérifier.
Ne pas oublier de respirer.
Mes pieds nus sur le sol sont blancs, violets.
Et puis l'eau chaude arrive. 
On dit parfois de personnes peu futées qu'elles n'ont pas inventées l'eau chaude.
Là, sous ma douche tiède, savourant cette eau ruisselante sur mon visage, je pense à celui qui l'a inventé, l'eau chaude. Je me dis qu'un jour il faudra le remercier.
- "De l'eau chaude!" certainement tiède en vrai mais qu'importe cette sensation de chaleur est tellement bonne. j'en pleure presque de bonheur.
Je reste un long moment sous le filet tiède.
Des vêtements secs et chauds. que c'est bon.
je retourne au bateau et me repose enfin.

Aguilas. Je me promène.
Escale surprise. Découverte.


Il y a près de la falaise, un petit chantier naval. Enfin un atelier serait un terme plus adapté. Un grillage pas droit. 25 chats sauvages perchés sur de vieilles épaves et autres morceaux de tôle rouillée. Quelques tags bleus sur un mur en béton brut. L'endroit a le charme de l'authentique.

Et au milieu de ce désordre certainement organisé des chantiers, un "truc" attire mon regard.


Un truc sur tréteaux. On dirait un petit bateau, une petite coque en tout cas.
Il est tout petit et à une forme bien particulière.
Je m'approche tant que je peux.
Il a la forme de.. de... de TaraTari!!!!!!

mini TaraTari ??
Je cherche..  personne dans le coin.... je fais trois fois le tour de l'atelier, contourne le grillage pas droit, demande aux 25 chats sauvages perchés sur de vieilles épaves et autres morceaux de tôle rouillée. Non, personne, pas un chat pour me renseigner. Quelle est cette petite coque qui, a quelques détails près, ressemble comme trois gouttes d'eau salée à TaraTari? ça m'intrigue.

Le trésor d'Aguilas restera une énigme.
Mystère et boule de gomme.

De retour au village, la fatigue et le froid me font trembler.
La tempête, le froid et ce soleil qui ne réchauffe rien du tout. je me sens fatiguée et j'ai mal partout.
Je vais essayer de trouver un petit 'hostal' pour passer une nuit au chaud.
Il n'y a qu'un petit hôtel ouvert.


"Hotel Madrid".
Tiens, c'est marrant. ce n'est pas raccord.
j'aurais imaginé "Hotel California" plutôt.

A Aguilas.... Aigles... Eagles... Hotel California...
Nan? Toujours pas?
Bon allez, ok ma "boutade" pourrie et moi, on va se coucher.

En musique mais pas de panique ce n'est pas moi qui chante
Aguilas... such a lovely place...
mais en ce qui concerne l'inventeur de la pendille, l'inventeur de l'eau chaude, en ce qui concerne le pourquoi du comment de cette étrange petite maquette, ou encore la raison pour laquelle l'hotel d'Aguilas s'appelle Madrid et non pas California, le mystère reste entier. Et la boule de gomme aussi.
L'enquête est ouverte. et pour de vrai, je vais me coucher maintenant.

Capucine

1 commentaire:

  1. Pour les Meds, la pendille c'est de l'ordre de l'installation normale. C'est de pas en trouver qui est bizarre. Petite astuce, la gaffe doit être à poste pour faire le machin gluant jusqu'à la proue... Et après tu branches le tuyau pour rincer toute la merde que tu as mis partout !
    Rassure toi, dès que tu auras passé Gibraltar tu n'en verras plus. Sauf à Las Palmas où j'ai eu la surprise de retrouver ce système.

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