mardi 6 mars 2012

Submarine Exercise Area

En mer. du Cap de Palos à Aguilas. Espagne.

TaraTari est sur la tranche. Les rafales claquent, couchent le bateau qui, vaillant, se redresse et encaisse.  Comme toujours dans le vent fort, les vagues surexcitées s'agitent sans souffler, elles. Hautes, courtes, inconfortables. Fichues vagues. ça déferle. je m'en prends plein dans la figure. pas trop le temps de se lamenter, il faut réduire la toile. J'avais déjà pris un ris dans la grand voile, mais pas le choix, je l'affale entièrement. je suis plutôt contente de moi, car la voile est plutôt proprement pliée et bien ficelée et puis ça réchauffe, il faut voir le bon côté des choses.

GV en rôti, à 3h du matin

Mais le vent s'enflamme sur cette mer agitée, et il faut que j'aille à l'avant pour prendre un ris dans le foc. A Alicante, j'avais changé la drisse du foc et laissé un peu de longueur histoire de pouvoir couper un peu en cas d'usure. Harnais d'escalade, longe de compét', me voilà au pied de mât. Pas de taquet pour retenir la drisse du foc hissée, mais une boucle et un bon noeud. Je défais le noeud tout en retenant la drisse, vraiment sous tension dans ce vent est très fort, pour ne pas que la voile ne tombe trop vite ni dans l'eau. Mais la longueur en rab' en pied de mât s'emmêle les pinceaux, bloque le coulissement. Je dégage vite fait tout ça avec ma main droite, car la main gauche retient la drisse. Et c'est d'ailleurs comme ça que j'ai découvert que mon bras gauche était peut-être un super héros. Retenir le foc hissé à la seule force du bras, ce n'était pas gagné. 'Bras gauche le fortiche' a vraiment assuré sur ce coup-là. Tout cela a duré deux ou trois minutes. Pas de problème. Et pour ne pas se retrouver complètement bloqué au moment d'affaler une voile, il y a une bonne astuce à savoir. En lançant la drisse à l'eau, elle file, défile et permet de ne pas faire de noeud dans les taquets au moment d'affaler. C'est une technique que l'on pratique souvent en Mini6.50, et ça évite de se retrouver dans des situations compliquées. Enfin voilà, en quelques minutes, TaraTari se retrouve Gv affalée et foc arrisé. Nous progressons au travers, puis en "fuite", au portant. Record absolu de distance parcouru en 1h établi entre 4h et 5h, au large de Cartagena.

Dans la nuit noire, Eole a fait nuit blanche.
Le vent est levé depuis des lustres,
et le soleil va se lever enfin. 
Le jour est là, découvre la mer, en pleine forme.

mer en pleine forme
Pendant des heures, Tara Tari file dans ces montagnes salées. La navigation n'est pas simple, plusieurs fois le bateau se couche mais toujours, il se redresse. L'eau est froide, transperce mon ciré et peut-être aussi un peu mes os. Il n'y a absolument rien de confortable. Les vagues sont si grosses qu'il faudrait en avoir peur. Mais c'est étrange parce que malgré l'humidité, le froid, la fatigue, le vent fort, les claques des vagues etc etc et bien au bout de quelques heures, c'est la sérénité qui l'emporte sur tous les autres états d'âme.

rosée du matin, tout va bien
Je sens que le bateau tient bon le rythme imposé par les éléments, et assise, là avec Tara Tari, je me sens vraiment bien. Ce vent, cette mer, et le bateau qui glisse. Tout semble être en harmonie. C'est enivrant. C'est beau, superbe même. Malmenée depuis le début de la nuit, c'est certainement le prix à payer pour assister à "cela". Les photos, les films ne rendront jamais compte de la réalité. Assister à un concert ou à un match, c'est toujours mieux pour ressentir l'ambiance, que regarder ça à la télé ou d'écouter les copains en parler. L'ambiance d'un stade, ça ne rend pas grand chose en récit. Alors désolée les amis, c'est égoïste, mais je m'en suis pris plein la figure pour être là. Ce concert-là restera privé.

Le vent fait un bruit assez assourdissant, les vagues qui déferlent aussi, et je ne sais pas si c'est la fatigue qui provoque cela, mais j'entends des voix. Certainement des sifflements du vent. Comme si une radio musicale était branchée. Comme des échos. La mer. Fascinante. Je ne comprends pas grand chose à ce qu'elle me dit, à ce qu'elle chante. J'écoute. Je me sens bien. Je me sens ivre. J'oublie tout.
C'est peut-être ça l'adrénaline. Un vertige de sensations fortes qui attire. Ce matin je suis en chute libre au dessus des séracs alpins,  je suis en pleine glisse d'un versant vierge et fraîchement enneigé, je bois de l'eau fraîche au milieu du Sahara, je viens d'atteindre le sommet de l'Aconcagua, je m'envole avec des oies sauvages vers de nouveaux horizons. Euphorie. être si minuscule dans la grandeur de la nature, quelle ivresse. drogue dure des moments intenses de partage avec la nature.

il s'en passe des choses dans la tête d'une capuche orange
Mais je ne pers pas les pédales pour autant. Toutes les trente minutes je descends faire un point dans mon cahier de bord et sur la carte. J'ai repéré un petit port, Aguilas, dans lequel je peux aller me mettre à l'abri. Il faut donc faire de l'Ouest, et pour cela je continue travers au vent, ce qui signifie aussi travers aux vagues. Les vagues et le vent me font dériver un peu, je repars donc à l'avant pour libérer le foc arrisé. TaraTari sera plus manoeuvrant. Et à l'intérieur, je matosse tout ce que je peux, c'est à dire que je mets les sacs et autres trucs qui pèsent un peu du côté qui se situe au vent. Dehors, je m'installe également au vent. Le bateau file à 5 noeuds, c'est super agréable, et le spectacle continue.

Tara Tari à la montagne

Enfin super agréable. ce n'est peut-être pas le mot.
je suis trempée.
Ah mais suis-je bête! A Vilanova, un petit monsieur m'avait fait un cadeau qui devrait faire l'affaire! je descends dans le bateau, farfouille et me marre en sortant de là, The perfect truc en cas "d'emergency". Au gros temps, gros moyens.


Mais naan, je plaisante. je vais pas mettre ça, ça pourrait servir de spi une prochaine fois.

Bon, je tente de filmer un peu. Et je refais un point.
Aaaahhh mais tu m'étonnes que TaraTari et moi sommes trempés! 


"Submarine Excercise Area"....!! j'aurais dû m'y attendre.
Tara Tari a voulu se la jouer sous marin. petit comique.
Bon, ça y est? fini de barboter dans l'eau, le bateau?
Nous arrivons à Aguilas. Le vent se calme un peu. La mer aussi. Tara Tari aussi. Et moi aussi.

Aguilas. Petit port tranquilou. Je m'annonce à la vfh.
Il est 11h, et Tara Tari est amarré à la marina Juan Montiel. Premier réflexe : inspection minutieuse du bateau... Aucune avarie! Bravo Tara Tari! Tu es le plus fort!

Les marineros sont super accueillants.

arrivée à la Marinera Juan Montiel - Aguilas
J'apprends qu'il y avait 40 noeuds dehors.
Mais un sous marin n'a pas peur du vent, hein TaraTari?!

Bienvenidos a Aguilas,
et maintenant: dodo!
Capucine

Pour regarder la vidéo, cliquer sur le VENT

1 commentaire:

  1. J'ai un mauvais souvenir d'Aguilas avec son haut mur et ses pontons privés quasiment vides...
    Et quand j'ai demandé qui était Juan Montiel (je pensais que c'était un personnage célèbre de l'histoire espagnole !), on m'a dit que c'était tout simplement le nom du promoteur de la marina. J'ai trouvé ça prétentieux, et triste.
    Repose toi bien Capucine ! Le détroit de Gibraltar est là, juste devant l'étrave de Tara Tari !

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