vendredi 16 mars 2012

c'est rien à côté d'Iguaçu

Aguilas - Garrucha. En mer.

Hasta luego Aguilas!
Je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, mais je suis à fond! L'adrénaline de la tempête, la beauté des falaises vue de la mer, de bonnes nuits de repos à Aguilas. Je suis de super bonne humeur et je ne sais pas, je suis à fond. Tara Tari aussi. Nous partons vite et bien. Tout va bien.

super départ d'Aguilas! attention ça vire, le sud c'est de l'autre côté
10-15 noeud de vent de secteur Nord Est. C'est tout simplement super. Le vent va nous porter. Dans ma tête le prochain arrêt, ce sera Gibraltar! On peut toujours rêver, après tout pourquoi pas, ça fait du toujours du bien de rêver! D'Alicante à Aguilas, nous avons parcouru plus de 100 milles en 48h. ça rend assez plausible mon ambition d'arriver à Gibraltar en quelques jours. TaraTari peut le faire. Franc 'croquage' de pomme pour fêter ça. Assez vite, le vent monte et il me faut prendre un ris dans la grand voile. Le vent est toujours de secteur Nord Nord Est, ce qui est absolument idéal pour progresser vers le Sud Ouest. Et puis le vent fait une courte pause, le temps pour lui de changer de sens et, pour moi, de lâcher le ris. Il est désormais de secteur Sud. Ce qui n'est absolument pas idéal pour progresser vers le Sud. En quelques minutes il repart à fond les ballons et il me faut vite reprendre un ris. On commence à connaître la chanson méditerranéenne: prendre un ris, le lâcher, le reprendre. That's life. TaraTari avance désormais au près, gîté sur tribord. La nuit tombe, et le phare de la Punta de la Media Naranja est mon repère pour progresser vers le Sud.

Nuit sans lune. Tout est sombre. Les étoiles sont là, mais l’humidité de l’air a embrumé le ciel, et trouble désormais la vision. Le vent souffle, a pris de l’élan depuis que le soleil s’est en allé. Il fait froid et humide. Cette nuit ressemble aux autres nuits. j’enchaîne quelques manœuvres pour adapter les réglages des voiles en fonction des nombreuses variations du vent. Finalement, ce sera Sud Est. Tara Tari avance bien, au près, à 3,5 nœuds malgré le ris pris dans grand-voile.

Gîté sur tribord, je passe beaucoup de temps à l’intérieur, à écoper l’eau qui rentre en abondance. J’ai coupé en deux une bouteille - vide - d’eau minérale. La partie du bas me sert d’écope. Mes gestes répètent le même mouvement, j’écope, verse tout ça dans le sceau. Je vide des seaux de 10 litres en continu. C’est impressionnant toute cette eau. Avec la pompe offerte à Marseille par Guillaume et Anaïs, je n’arrive pas à vider suffisamment rapidement. Le débit est trop rapide et comme il n’y a pas de robinet, quand je suis fatiguée de remplir puis vider les sceaux, je choque un peu la grand voile pour changer l’angle de gîte du bateau. Mettre un peu plus à plat Tara Tari, ça ralentit mais cela m'offre un peu de répit, réduit le débit. 

C’est épuisant tous ces seaux d’eau à vider, pourtant je sentais d'attaque. A l’intérieur, l’espace de vie est assez petit, on ne tient ni debout ni assis. Accroupie, malmenée par les vagues, j’écope et je tends les bras pour vider les seaux dans le cokpit. Cela aura au moins le mérite d’être un bon exercice de musculation pour les bras et le dos. Mais cela me prend une énergie folle. Parfois une vague claque le bateau et bouscule mon mouvement, le sceau se cogne contre le contour du hublot, et je me reprends l'eau dans la figure. Trop sympa.

 Je n'ai jamais trop osé en parler jusqu'à maintenant. Les problèmes d'incontinence de Tara Tari ne regardent que nous. C'est délicat de parler de ces choses-là. Mais bon tant pis pour le secret médical, je balance. Voici un petit aperçu de la source-chute d'eau secrète de Tara Tari.


 Le problème de l’eau qui entre dans le bateau n’est pas nouveau mais il est un peu plus important qu’avant. Il me semble que cela vienne du tube d’étambot, mais je ne suis pas complètement sure. La géolocalisation de l’accès mer-bateau est un mystère sur lequel j’enquêtais déjà lors du chantier, à Lorient. L’eau entre quelque part, remplit le caisson étanche fait le tour du bateau alors quand le bateau gîte la flottaison arrive au niveau du trou fait pour passer des câbles électriques et par un tout petit trou au niveau de la cuisine. J’ai protégé le tube qui conduit les câbles aux batteries, pour que l’eau ne puisse pas couler le long des gaines de câbles…  je fais ce que je peux pour éviter les courts-circuits. Visiblement ma protection marche car jusqu'à maintenant, pas de court-circuit ni d’eau dans le bac des batteries. 

Aux escales, j’enlève la plaque et les 10 pains d’aciers qui servent de ballasts dans le fond du bateau, afin d’accéder à la petite vis qui sert d’accès caisson étanche – intérieur du bateau. Le caisson étanche arrière ouvert, cela me permet de vidanger l'ensemble. L'eau entre aussitôt, mais au moins pendant quelques heures, TaraTari a les fesses un peu moins dans l'eau. J’ai essayé de naviguer avec le caisson étanche ‘ouvert’, mais le débit est trop dur à suivre quand le vent souffle fort et que nous gîtons beaucoup. Puisque je ne fais pas encore de très longues traversées, je préfère vidanger lors des escales.

Retour en nav'. Entre deux seaux d’eau, je fais une pause pour vérifier que tout va bien dehors. Rituel de veille : tour d’horizon pour repérer d’éventuels feux de navigation ou bouées de pêche, vérification la direction du vent afin d’adapter les réglages des voiles, et enfin faire un point sur la carte et tenir le journal de bord.

Tiens, un petit feu vert, devant. Dans l’obscurité, je scrute la petite gommette verte. C’est étrange, elle semble se rapprocher, mais reste petite et l’intensité de sa lumière ne s’intensifie pas. Je ne comprends pas trop de quoi il s’agit. La petite lumière est maintenant tout près, je prends la barre pour modifier un peu ma trajectoire : c’est une bouée de pêche. C’est peu malin de mettre des lumières vertes sur les bouées de filets de pêche. Les filets sont évités, je redescends pour vider l’eau. Tara Tari va assez vite… le débit d’eau est toujours plus important quand on prend de la vitesse. Bientôt près de 30 seaux d’eau bien remplis, soit déjà 300 litres d’eau vidés pendant la nuit! Et les vagues tapent encore sur la coque. Saletés de vagues. Impossible de dormir.

Au Sud, je vois trois lumières blanches. Au début je crois que ce sont trois pêcheurs. En fait c’est un cargo qui va au port de Garrucha. Je suis épuisée, et je décide de m’y arrêter car le vent se renforce et il n’y a plus vraiment d’abri après. Il fait nuit et il m’est impossible de repérer le phare pourtant indiqué sur la carte, ni même le feu vert qui marque l’entrée du port. Je tire des bords pour me rapprocher de la plage, et tente de suivre des yeux le cargo qui se rend au même endroit que moi. Tant pis pour le phare et l’entrée du port, je me sers de la position GPS pour m’orienter.

Le jour arrive. Sur la ligne d’horizon, à l’Est, trois formes se dessinent. Je pense que ce sont deux cargos et peut-être un pêcheur. Je vais surveiller très attentivement ces navires. Le soleil va bientôt se lever. Le ciel est rose, et je souris, car l’un des cargos a pris la forme d’un champignon de Paris, le deuxième, celui d’une girolle, quant au pêcheur, il ressemble à une petite fraise des bois. Je souris, me passe la main sur le visage, bois une gorgée d’eau. Ce sont des nuages! 
- "Reste cool, Capucine, tout va bien!" je me moque de moi.

Je me sens vraiment fatiguée. Même si ma petite chute d'eau dans le bateau n'est rien comparé aux chutes du Niagara, ça fait un bon débit. Les gens aiment bien se dire, pour se rassurer "Il y a pire, tu sais". Mes petits problèmes de fuite, c'est vrai que c'est de la gnognotte à côté de Victoria ou d'Iguaçu.
Bon j'avoue je ne suis jamais allée voir de grandes chutes d'eau lointaines. Plus la peine, j'ai les même à la maison. en petit. Pas de drame, juste de la fatigue. 

Les chutes d'Iguaçu
J’arrive enfin au port. Manœuvre à la voile, nickel malgré ma fatigue. J’amarre Tara Tari, fière de ma manœuvre. Rituel d’arrivée : je plie les voiles, et file aussitôt remplir les papiers. De retour au bateau je m’assois sur le quai, et grave erreur, je m’allonge et m’endors. Je suis réveillée par une voix qui me souhaite "bienvenue à Garrucha" J’ouvre un œil, éblouie par le soleil, c’est un des marineros qui me parle. Je vois sa tête, en contre jour au dessus de la mienne. Où suis-je? 

Garrucha

Allongée je regarde les nuages qui filent comme des pelotes de laine se débobinent.
C'est joli.
Je repense aux cargos mi champignons - mi fraise des bois. Quelle nouille je suis!
Et je pense aussi à toute cette eau de mer qui transite par Tara Tari, depuis des mois.
Quel intérêt pour la mer?

On ne peut pas tout comprendre dans la vie.
Avoir une source dans sa maison, ça donne de la valeur au domaine, il paraît.
C'était usant, cette nav.

Capucine


2 commentaires:

  1. Heu... Je ne voudrais pas me mêler de ce qui vous regarde toi et Tara Tari, mais c’est quand même un peu plus qu’une fuite... Fais gaffe Capucine, là tu es en côtier avec des possibilités de replis tous des 10 milles, mais plus tard cela risque de devenir vraiment problématique.

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  2. Bonjour, j'ai mis ton site en Page d'accueil de mon ordinateur. Dit toi que toutes tes aventures permettent à pleins d'entre nous de nous évader en rentrant du boulot !
    Longue vie à tes récits !
    Xavier

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